Avec près de 1 million d’hectolitres produits chaque année, le vignoble d’Alsace est l’un des plus importants vignobles français pour la production de vins blancs tranquilles en AOC.
Vignoble rhénan, l’un des plus septentrionaux de France et d’Europe, le vignoble d’Alsace est principalement établi sur la face est du Piémont des Vosges et situé sur 119 communes des départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin. S’étendant sur 120 kilomètres de long, pour souvent moins de 1 kilomètre de large, il s’étire depuis une petite enclave aux environs de Cleebourg et Wissembourg, à la frontière allemande au nord, puis de Marlenheim à la hauteur de Strasbourg, jusqu’à Thann à la hauteur de Mulhouse au sud. Environ 15 000 hectares de vignes y sont cultivés.
Sa production, organisée autour de plus de 4 500 producteurs et vignerons, s’articule aujourd’hui principalement autour des vins blancs tranquilles d’appellation Alsace et Alsace Grand Cru ainsi que des vins blancs effervescents appelés crémants d’Alsace.
De toute évidence, la vigne se plaît en Alsace depuis des temps immémoriaux : on a même retrouvé le long de la vallée du Rhin des feuilles fossilisées de l’ancêtre des variétés de vignes actuelles ! Sans remonter au Paléolithique, il semble bien que les vignes sauvages, ou lambrusques (Vitis lambrusca), se soient depuis fort longtemps très bien accommodées aux sols et au climat des forêts du bord du Rhin et que les raisins sauvages faisaient déjà partie du régime alimentaire de nos lointains aïeux.
Ce n’est cependant qu’à l’époque gallo-romaine que la culture de la vigne et du vin connaît son premier essor sur la rive gauche du Rhin : fatiguées d’importer du vin depuis le Bassin méditerranéen, les nombreuses garnisons romaines installées dans la province de Germanie supérieure décident de cultiver et de produire sur place leur propre vin dès la fin du Ier siècle de notre ère, et d’en faire commerce grâce au transport fluvial qui se met en place sur le Rhin et la Moselle.
Cette viticulture va survivre aux différentes invasions pour réellement s’organiser et connaître un véritable essor au Moyen Âge, sous l’influence des nombreuses abbayes et ordres monastiques implantés dans la région. Dès cette époque, l’Alsace produit des vins réputés (les vins d’Aussey) dans plus de 160 localités et les exporte dans toute l’Europe du Nord, le long de l’Ill et du Rhin.
Cette expansion durera plusieurs siècles pour connaître son apogée à la Renaissance, comme en témoigne encore aujourd’hui l’extraordinaire richesse architecturale des villages alsaciens, liée à la prospérité de la viticulture aux XVe et XVIe siècles. À cette époque, la surface cultivée représente plus du double du vignoble alsacien actuel.
C’est aussi à cette époque que les principes qui fondent encore aujourd’hui la production des vins alsaciens commencent à être adoptés : encadrement collectif des dates de vendanges, premières listes de cépages à privilégier, parmi lesquels on retrouve déjà le riesling, le traminer ou le muscat. Déjà la région se consacre aux vins blancs, comme en attestent de précieuses bouteilles datant des XIVe et XVe siècles, conservées dans la Cave historique des hospices de Strasbourg.
Malheureusement, la guerre de Trente ans, la famine et les épidémies de peste mettent fin à cette période faste. À la fin du XVIIe siècle, l’essentiel du vignoble alsacien est purement et simplement détruit.
Il faudra attendre le XVIIIe siècle pour que la culture de la vigne se développe à nouveau. Mais elle change alors de nature : par souci de facilité, elle quitte les coteaux pour s’installer en plaine et cette extension se fait au profit de cépages communs peu adaptés à l’élaboration de vins de qualité. Si bien qu’au début du XIXe siècle, l’Alsace se retrouve avec plus de 30 000 hectares de vignes cultivées dans une situation de surproduction de vins très médiocres, alors qu’au même moment la mode est à la consommation de la bière plutôt que du vin. Le passage de la région sous pavillon de l’Empire allemand ne fera que renforcer le désamour pour les vins alsaciens.
Peinant à trouver des débouchés commerciaux, de nombreuses exploitations vont disparaître tout au long du XIXe siècle. Les épidémies de mildiou et surtout du phylloxéra finiront de rétrécir le vignoble alsacien, qui ne compte plus au début du XXe siècle que 7 000 hectares cultivés.
Cette époque charnière voit la victoire des partisans d’une production maîtrisée de vins de qualité, élaborés à partir de cépages typiques, face aux tenants de la production de masse à l’aide d’espèces hybrides. Aussi la viticulture retrouve-t-elle ses terres de prédilection, sur les coteaux des collines sous-vosgiennes, qui présentent une extraordinaire diversité géologique.
Ce mouvement vers la qualité et la production de vins blancs fins se concrétise en 1945 par la création officielle d’une appellation d’origine « Vins d’Alsace » et surtout en octobre 1962 par le décret définissant l’AOC des Vins d’Alsace. Cette AOC sera complétée dans les années 1970 par la création des AOC Alsace Grand Cru puis Crémant d’Alsace. C’est aussi à cette époque que les viticulteurs s’organisent et se regroupent autour du Conseil interprofessionnel des vins d’Alsace (CIVA) afin de se donner toutes les chances d’accroître le rayonnement des vins de leur région.
Aujourd’hui, la production s’étend sur le rebord de la plaine du Rhin, sur les premiers contreforts orientaux du massif vosgien, le long d’une bande étroite. À cette zone s’ajoute, plus au nord, tout proche de la frontière allemande, le vignoble de Wissembourg.
Une des raisons de la richesse et de la diversité des grands blancs d’Alsace se niche bien sûr dans l’extraordinaire mosaïque des sols alsaciens. Situé au sud du fossé rhénan, le vignoble est établi sur une zone de faille, qui a vu se séparer, il y a plusieurs millions d’années, les massifs des Vosges et de la Forêt-Noire. Ce fossé d’effondrement, et avec lui d’innombrables failles qui se croisent, donnent aux sous-collines vosgiennes une allure de patchwork de roches : selon la vallée, le coteau qu’elle occupe, la vigne alsacienne peut se développer sur des grès, des gneiss, des schistes, des sols granitiques mais aussi rencontrer des couches calcaires ou marneuses. Jusqu’aux plaines alluviales et limoneuses, plus fertiles et humides, sur lesquelles la vigne s’épanouit également.
Peu de régions viticoles présentent une telle diversité géologique. À cela s’ajoute en Alsace un climat semi-continental, assez sec, bénéficiant d’un bel ensoleillement estival et automnal. Le massif vosgien, à l’ouest, protège coteaux et plaines des influences océaniques et limite ainsi vents et pluies. Ce climat relativement aride, mais finalement plus tempéré que ce que l’on pourrait penser pour ces latitudes, joue également un rôle important dans l’élevage du raisin, sa maturation et la typicité des vins blancs alsaciens. Les meilleurs crus sont issus de vignes plantées sur les collines exposées au sud, sud-est et est.
Au final, selon l’emplacement des vignes, on pourra trouver des vins aux caractéristiques très différentes :
La vinification en Alsace se fait donc très majoritairement en blanc, selon des méthodes traditionnelles. Dans la plupart des cas, elles diffèrent peu de celles utilisées dans les autres grandes régions productrices de vins blancs.
Après leur récolte et un passage au fouloir pour faire éclater les baies, les raisons sont pressés puisque seul le jus est soumis à la fermentation. Le moût est ensuite stocké en cuve puis débourbé : on lui retire toutes les particules en suspension susceptibles d’en fausser le goût.
Commence ensuite la phase de fermentation alcoolique (levures) qui se déroule traditionnellement dans d’anciens foudres de bois – cette pratique perdure dans l’élevage de certains grands crus – et le plus souvent aujourd’hui dans des cuves en acier inoxydable. Afin d’éviter toute montée en température trop importante pendant cette phase, qui risquerait de provoquer l’arrêt prématuré de la fermentation alcoolique et altérerait la richesse aromatique du vin à venir, les vignerons alsaciens ont systématiquement équipé chais et caves de systèmes thermorégulateurs.
La fermentation alcoolique dure 3 à 4 semaines. Les vignerons alsaciens ne pratiquent pas la fermentation malolactique (bactéries) afin de garder à leurs vins blancs un maximum de fraîcheur. Les vins seront ensuite clarifiés et stabilisés pour leur assurer limpidité et brillance parfaites.
L’élevage sur lies fines, en cuve ou en foudre de chêne, est relativement court, de 6 à 10 mois au maximum. Aussi, même si la mise en bouteille se fait, pour les grands vins de terroir et de garde, juste avant la récolte suivante, notons que la plupart des vins blancs d’Alsace sont maturés directement en bouteille.
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