On aura pendant longtemps entendu le pire sur son compte, il va vous falloir désormais vous habituer à entendre le meilleur. Le Melon de Bourgogne (que l’on nomme souvent muscadet dans son fief de Loire-Atlantique, comme la célèbre AOC dont il est le cépage exclusif), fut chassé des terroirs continentaux et argilo- calcaires bourguignons, pour atterrir, on ne sait comment, sur les rives de la Loire, près de son embouchure.
La date clef pour le renouveau de ce cépage est l’hiver 1709. Nous sommes dans les dernières années du règne de Louis XIV, la France n’est pas au mieux et l’année 1709 démarre par de la pluie, encore de la pluie, les coeurs de ceps sont trempés. S’abattent alors sur le pays cinq semaines d’un froid inouï, qui vont détruire tout le vignoble Nantais, alors que nous sommes à quelques kilomètres de la façade Atlantique !
Un seul cépage résiste, venu de Bourgogne probablement par le biais de marchands hollandais, un melon muscaté, croisement de gouais blanc (encore) et de pinot noir (encore un cépage de la famille des noiriens), dont on ne sait pas s’il était réellement muscaté ou bien si les Hollandais qui le prisaient, n’y ajoutaient pas de la noix de muscade. Pratique qui pourrait être à l’origine du nom actuel des vins de Muscadet.
Le Melon n’était finalement pas fait pour les terres continentales et argilo-calcaires de la Bourgogne. Il s’est avéré dans son élément sur les sols de grès, schistes, granit, gneiss métamorphique, sable tout en bénéficiant de la présence douce et humide de l’Atlantique. Il révèle d’ailleurs beaucoup plus de finesse et de minéralité lorsqu’il se développe sur des sols de roche cristalline.
La plante présente des feuilles adultes orbiculaires, entières, les baies sont plutôt petites dans des grappes elles-mêmes petites mais compactes. C’est cette compacité qui peut représenter le danger, dans la mesure où le cépage est très sensible à la pourriture grise, le manque d’aération à l’intérieur de la grappe pouvant générer de gros dégâts en cas d’attaque.
Le melon de bourgogne n’est planté de manière significative qu’en France, et en France, il n’est présent réellement qu’en Loire-Atlantique et en Vendée. L’ensoleillement parfois limité de ces territoires ne gêne pas sa maturité précoce.
Fruits blancs (pomme, poire), beaucoup d’acidité et des arômes d’agrumes (citron, bergamote, pamplemousse), et une note musquée qui, elle aussi, peut être à l’origine du nom des vins de Muscadet. Sur des sols cristallins, le melon révèle également des notes de pierre à fusil. Transparent, brillant, énergique, vivifiant, tous ces termes lui vont comme un gant.
Des appellations qui portent le nom de leur cépage, fait unique en France : Muscadet, qui est la grande appellation régionale et ses trois “sous appellations”, Muscadet Coteaux de la Loire, Muscadet Sèvre-et-Maine, Muscadet Côte-de-Grandlieu.
C’est la plus grande appellation en mono-cépage du pays, représentant plus de 10 000 hectares cultivés. Il y a fort à parier que les grands Muscadets vont de plus en plus s’installer sur les tables de la grande restauration. Il y a de grands terroirs, comme Le Pallet, Clisson, Gorges… et de grands vignerons. En outre, le Muscadet s’inscrit parfaitement dans un mouvement de fond, à la recherche de vins frais, précis et minéraux… et susceptibles d’évoluer parfaitement sur 10 ans ou plus, ce qui est le cas des grands vins de Muscadet.
Le Melon, par sa fraîcheur et sa grande limpidité minérale, qu’il puise dans ces sols cristallins, est le compagnon idéal des poissons, crustacés et autres coquillages, même très iodés comme l’huître ou l’oursin. Froids (rillettes, terrines) ou chauds, grillés ou en sauce, crus (sashimis, tartares) ou cuits, vous l’associez sans vous tromper avec la quasi-totalité des produits de la mer. Sans oublier les fromages de chèvre frais…