La Savoie (125 000 hectolitres sur 2 100 hectares) et le Bugey (27 000 hectolitres sur 500 hectares) figurent parmi les plus petites régions viti-vinicoles françaises. Leur production est discrète, majoritairement vendue et consommée dans la région Rhône-Alpes. Leur vignoble composé d’une multiplicité de niches écologiques et de cépages propose, dans sa gamme de blancs, des vins de qualité aux arômes élégants et originaux qui méritent d’être mieux connus et appréciés. Parmi eux, l’appellation Roussette, produite à partir d’un cépage local, l’altesse, dont on trouve une déclinaison pleine de finesse en Savoie et d’une grande richesse aromatique dans le Bugey.
C’est grâce à des pépins de raisins fossilisés que la présence de vignes sur les rives du lac d’Annecy a pu être attestée au VIe siècle avant J.-C. Une présence ancienne qui va être portée au fil des siècles notamment par les Gaulois, et trouver une impulsion notable grâce à l’arrivée des Romains (vers 120 avant J.-C.). Ils apportent avec eux des techniques viticoles innovantes mais aussi de nouveaux débouchés vers Rome.
À partir du IVe siècle, l’implantation de la religion chrétienne en Savoie et dans le Bugey offrira elle aussi des avancées notables à la viti-viniculture. Au Moyen Âge, les moines occupent une place centrale dans ce processus. Forts de bonnes connaissances agronomiques, ils sélectionnent des terroirs de qualité et travaillent à l’amélioration de la conduite de la vigne et de la vinification. En parallèle de ces progrès techniques, les contours de domaines sont constitués progressivement par le biais de donations, au profit notamment des monastères comme le prieuré du Bourget-du-Lac, fondé dès le début du XIe siècle.
À la Renaissance, un constat s’impose toutefois : le vin produit n’est pas toujours de qualité. Des cépages de qualité médiocre se répandent car la priorité est donnée à la quantité. Initialement situé sur les coteaux les plus ensoleillés de Savoie, le vignoble s’étend ainsi progressivement vers la plaine, sur des terres trop lourdes et fertiles pour la vigne, ou bien à des altitudes proches de 1 000 mètres, sur des terres trop froides pour garantir au raisin une maturité suffisante. Dans cette région, le duc Emmanuel-Philibert de Savoie va tenter de réguler la production par un édit de 1559 à travers lequel il instaure le ban des vendanges, qui doit favoriser la récolte du raisin à bonne maturité. Las, les paysans continuent de se tourner en nombre vers la vigne, culture parmi les plus rémunératrices, jusqu’à provoquer une situation de surproduction.
Au début du XIXe siècle, le déficit de qualité du vignoble savoyard perdure, le nombre et la diversité des parcelles cultivées (altitude, exposition, cépage…) entraînant une grande hétérogénéité des vins. Le vignoble de Bugey atteint lui aussi des superficies importantes, jusqu’à 7 000 hectares contre seulement 500 aujourd’hui ! Durant le XIXe siècle, les deux régions vinicoles doivent en outre affronter la concurrence d’autres productions françaises – la Savoie est rattachée à l’Hexagone en 1860 –, et tout particulièrement celle du Languedoc-Roussillon aux prix de vente très attractifs.
Mais le pire reste à venir pour ces deux vignobles. Le phylloxéra fait son apparition à la fin des années 1870 et va ravager les plants. Oïdium et mildiou apparaissent également à la même période. Ces terres vont toutefois rapidement connaître une vague de replantation, grâce aux porte-greffes américains. En Savoie, cette phase s’accompagne de nombreuses mutations du vignoble : mise en valeur de nouveaux procédés de culture, désengagement de l’aristocratie du secteur de la vigne…
Dans la seconde moitié du XXe siècle, des efforts sont consacrés en Savoie comme dans le Bugey au développement d’une filière reposant davantage sur la qualité, indispensable pour la survie de l’activité. Alors qu’une première AOC avait été obtenue dès 1942 (Seyssel), ce travail interprofessionnel débouche sur la reconnaissance des vins comme « appellation d’origine vins délimités de qualité supérieure » (AOVDQS) en 1957 en Savoie, l’année suivante dans le Bugey. Suivra, en 1973, l’obtention de deux AOC en Savoie (Savoie, Roussette de Savoie) et, en 2009, de deux AOC dans le Bugey (Bugey et Roussette de Bugey).
À noter : dans ces deux territoires, de multiples dénominations géographiques accompagnent les AOC. En Vins de Savoie blancs, elles sont au nombre de 14 : Abymes, Apremont, Ayze, Chautagne, Chignin, Chignin-Bergeron, Crépy, Cruet, Jongieux, Marignan, Marin, Montmélian, Ripaille et Saint-Jeoire-Prieuré. On en dénombre 4 en Roussette de Savoie (Frangy, Marestel, Monterminod, Monthoux). Et dans le Bugey, on trouve, en blanc, le Bugey Manicle, le Bugey Montagnieu, la Roussette du Bugey Montagnieu et la Roussette du Bugey Virieu-le-Grand.
Les 2 100 hectares du vignoble savoyard se décomposent en une vingtaine d’îlots répartis sur 4 départements (Savoie pour 1 880 hectares, Haute-Savoie, Isère, Ain). Les vignes sont situées entre 250 et 450 mètres d’altitude, sur les contreforts du massif des Alpes. Quatre grands ensembles géographiques se distinguent. Le plus important se trouve dans la vallée et sur les pentes de la combe de Savoie, à l’ouest de la zone d’appellation. Le deuxième s’étend sur l’avant-pays savoyard, au nord de Chambéry. Les deux derniers sont localisés en Haute-Savoie : les rives du Léman (ou Chablais français) et la vallée de l’Arve. De cet éclatement géographique en de multiples niches écologiques découle logiquement une grande hétérogénéité des terroirs (exposition, altitude, sols…).
Le vignoble du Bugey se trouve pour sa part dans la partie sud-est du département de l’Ain. Situé entre le Jura au nord et la Savoie à l’est, il constitue l’une des plus petites régions viticoles françaises. Les vignes sont localisées entre 200 et 550 mètres d’altitude et se répartissent en de multiples îlots qu’on peut rattacher à trois sous-régions : les secteurs de Cerdon (nord de la zone du Bugey), de Montagnieu (sud-ouest) et de Belley (sud-est de la zone).
Situées sur les pentes adossées aux massifs, les vignes de Savoie se trouvent en grande majorité sur des sols caillouteux calcaires. L’érosion a joué un grand rôle dans leur constitution (moraines glaciaires, éboulis calcaires, terrasses fluviales interglaciaires). À noter également la présence de quelques terroirs calcaires marneux (à Chignin ou Jonglieux) ainsi que de rares sols de schistes (à Cevins notamment).
Le calcaire domine également la composition des sols du Bugey, qui proviennent d’éboulis ou ont une origine glaciaire. On recense aussi quelques sols argileux et graveleux.
Le climat du vignoble savoyard est de type continental à forte influence océanique, ce qui se traduit notamment par des hivers froids, des étés chauds et des vents d’ouest dominants vecteurs d’humidité (1 000 à 1 200 mm de précipitations à l’année). Certains secteurs bénéficient d’une influence méditerranéenne et donc d’une certaine douceur du climat, notamment près du lac du Bourget et dans le vignoble de la Chautagne. D’autres sont exposés aux vents du nord, porteurs d’un froid vif. Le climat est donc très variable selon les terroirs, un contraste qui est accentué par les variations d’altitude, d’exposition au soleil mais aussi l’éventuelle proximité d’un lac. Une étendue d’eau pourra en effet limiter la rigueur du climat, au même titre que la présence de barrières rocheuses comme les Bauges ou la Chartreuse protège des vents dominants. Les nombreux microclimats observés en Savoie assurent une grande diversité aux productions du vignoble.
C’est un climat semi-continental qui domine dans le Bugey. Comme en Savoie, les étés sont chauds et les hivers froids – même si l’influence océanique apporte un léger adoucissement des conditions climatiques. Les précipitations sont également abondantes (1 200 mm par an).
De l’hétérogénéité des terroirs présents en Savoie comme dans le Bugey découle logiquement une grande diversité des cépages utilisés. On en compte pas moins de 23 pour le seul vignoble savoyard, où la part belle est faite aux vins blancs (70 % du volume total produit). Pour confectionner ces derniers, on utilise majoritairement des cépages cultivés exclusivement dans la région : la jacquère par exemple, le plus répandu, avec environ 50 % des surfaces, tout particulièrement présent dans la cluse de Chambéry, bien adapté aux terres argilo-calcaires. On trouve également l’altesse, cépage vigoureux à maturité tardive, représentant 10 % des plantations de Savoie et actuellement en expansion. C’est ce cépage qui est utilisé pour élaborer la roussette de Savoie ; il est également très majoritairement présent dans le seyssel. D’autres cépages blancs sont utilisés dans le vignoble savoyard : la mondeuse blanche, l’aligoté, le chardonnay, ainsi que, en Haute-Savoie, le chasselas (cépage productif et précoce), le gringet et la roussette d’Ayze, et enfin, en Isère, la marsanne et la verdesse.
La diversité prime aussi dans le Bugey. Avant la création de l’appellation, le syndicat des vins de Bugey rapporte qu’on dénombrait plus de 200 cépages ! On en compte aujourd’hui 7 pour les vins blancs, lesquels vins blancs représentent 50 % des volumes produits. Au premier plan, on trouve le chardonnay, d’origine bourguignonne et introduit ici au début du XXe siècle. Bien adapté au terroir car il exprime au mieux sa finesse sur des sols calcaires, il s’est imposé dans la production de bugey blanc. On relève également une présence notable de l’altesse, tout particulièrement sur les terrains lourds et argileux, qui permet, comme en Savoie, l’élaboration de la roussette. Ce cépage local est réputé donner des vins amples et savoureux. La molette, la jacquère, la mondeuse blanche, le pinot gris et l’aligoté constituent les cépages secondaires.
Riche d’une grande diversité de terroirs et de cépages, la Savoie offre, en toute logique, une gamme variée de vins. Dans la combe de Savoie par exemple, et plus précisément pour les vins de Chignin et Chignin-Bergeron, les coteaux calcaires exposés au sud favorisent la production de vins à la sucrosité résiduelle plus ou moins marquée. Ceux orientés au nord-est (Abymes, Apremont) engendrent plutôt des vins plus secs, aux notes minérales.
De façon générale, l’appellation Vin de Savoie regroupe des vins légers en alcool, au caractère très typé. Ces blancs offrent au regard une robe jaune pâle aux reflets verts. Les arômes de fleur blanche se marient avec des notes d’amande et de noisette. En bouche, ces vins disposent d’une attaque délicate. Leur matière est dense et fruitée. La roussette de Savoie a elle aussi une robe jaune pâle et met en avant des notes de noisette, d’amande et de miel. Elle est franche en bouche. Enfin, l’AOC Seyssel propose des blancs secs présentant d’agréables nuances florales (violette) et fruitées (fruits blancs).
Dans le Bugey, le chardonnay donne des vins ronds et fruités, disposant d’une belle fraîcheur. La robe varie, du jaune or jusqu’à des teintes ambrées. Confectionnée exclusivement à partir du cépage altesse, la roussette du Bugey est un vin légèrement moelleux, de robe jaune paille, et qui offre des notes de fleurs blanches au nez. Son attaque est vive en bouche.
Élaborés à partir de plusieurs cépages locaux (en premier lieu le jacquère et l’altesse), les vins de Savoie et du Bugey s’associent volontiers avec des plats issus de la gastronomie régionale comme les fondues, les tartiflettes ou les raclettes. Les fromages savoyards (beaufort, reblochon…) se marient parfaitement avec les vins de l’appellation Savoie. Les blancs tranquilles sont également tout indiqués pour accompagner des poissons d’eau douce, des crustacés, mais aussi, pour les crus du Bugey en particulier, des cuisses de grenouille ou des volailles. Les différents mousseux et pétillants de la gamme pourront être servis en apéritif.
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