Très belle histoire que celle de ce cépage à la gloire toute récente.
Selon la légende, son arrivée en France serait liée à l’empereur romain Probus le ramenant de Dalmatie. Si cette piste n’a jamais été prouvée, il est certain que ce cépage est cultivé dans la région de Vienne, au Sud de Lyon, depuis le début de notre ère.
Des études génétiques menées par la Davis University de Californie situent plutôt son origine quelque part entre Savoie et Piémont.
Avant de devenir (avec ses variantes mutées) un cépage phare des vins blancs dans le Monde, il a pourtant failli disparaître au moins à deux reprises : il n’était planté sur une surface de l’ordre de vingt hectares seulement, au milieu des années 1960, après avoir déjà très difficilement survécu à l’attaque de phylloxera de la fin du 19ème siècle.
Depuis le début des années 1970, le viognier connaît un tel succès qu’il est devenu difficile d’en fixer la géographie. Pour faire simple, à la fin des années 1980, il avait reconquis entièrement les quatre villages de l’appellation Condrieu et la minuscule appellation Château-Grillet, une des rares AOC de France dont le nom est défendu par un seul propriétaire.
Aujourd’hui, son expansion est étonnante : Autriche, Italie, Espagne, Suisse, même en Grèce, et ce n’est pas tout, car lorsqu’on sort du vieux continent, il est de plus en plus massivement planté en Californie, et surtout en Australie, où il est devenu le cépage dominant en à peine 20 ans !
Ce cépage, à la maturité relativement tardive, présente de nombreux atouts qui expliquent son succès : c’est un cépage solide et résistant à la plupart des maladies cryptogamiques, relativement productif, qui apprécie sols acides et climat relativement chaud et ensoleilléen été et à l’automne. Mais il est surtout incroyablement aromatique, ce qui lui permet d’être largement apprécié hors des repas, comme il en est l’usage en Australie ou en Californie.
C’est ainsi que le cépage a su séduire de nombreux investisseurs viti-vinicole de la planète. Si l’on revient à sa première terre d’élection, du côté de Condrieu, les conditions de culture du viognier y sont beaucoup plus contraignantes, sur des pentes à 50 ou 60% et des sols granitiques très pauvres, donnant des rendements plutôt faibles, de l’ordre de 25 hectolitres à l’hectare. Mais c’est aussi dans ces conditions qu’il révèle sa puissance aromatique et son équilibre.
Le viognier est sans doute un des cépages les plus aromatiques qui soient. Ses notes florales sont démonstratives (violette caractéristique mais aussi jasmin ou chèvrefeuille) et accompagnent un fruité de raisin muscaté, des notes d’abricot, de pêche de vigne, de zeste d’orange. En bouche, il est aussi très savoureux révélant des saveurs de poire et de fruits exotiques. Il donne des vins très équilibrés et persistants dans le fruit.
Si on parle d’AOC, on dira Condrieu et Château-Grillet mais il y a un point important à signaler avant de quitter le Rhône nord, berceau du cépage, c’est la possibilité de l’assembler à la syrah dans la glorieuse appellation Côte-Rôtie. La tolérance va jusqu’à vingt pour cent et des vignerons aussi célèbres que Jean Michel Gerin ou Marcel Guigal mettent du viognier dans certaines cuvées de vin rouge, Champin Le Seigneur pour l’un, La Mouline pour l’autre.
Hors de la zone géographique couverte par ces deux appellations, quantité de viognier a été planté dans le nord du Rhône, où il est classé en vin de pays. Idem dans le sud du Rhône, puisqu’il n’y a aucune appellation d’origine contrôlé qui en ait prévu l’utilisation.
En France encore, on en trouve dans l’Aude, l’Hérault, le Gard, les Pyrénées Orientales.
L’AOC Côteaux-du-Languedoc, s’il est contenu dans une limite de 10% dans l’assemblage, autorise le viognier.
Au total, on peut estimer à 4000 hectares la surface cultivée aujourd’hui en viognier, dans le vignoble français. Elle progresse rapidement.
Le Condrieu et le viognier sont deux choses différentes, et heureusement, faute de quoi on ne comprendrait pas pourquoi l’appellation existe. En effet, le sol des coteaux de Chavannay ou de Limony, influe grandement sur le raisin qui doit porter cette minéralité s’il est le vrai fils de cette terre. Les accords bien connus sont les asperges, les écrevisses, le fromage de chèvre produit à deux pas, la Rigotte, les quenelles de brochet.
Pour la plupart des vins de pays issus du viognier, on les conseillera surtout pour un apéritif accompagné d’amuse-bouche, à la limite de l’épicé, du salé ou du sucré.