Au cœur du vignoble de Chablis, sur la rive droite du Serein, entre le bourg de Chablis et les villages de Fié et Poinchy, se trouve sur une centaine d’hectares la quintessence du vignoble chablisien, les 7 climats classés en Grand Cru dès 1938 : Bougros, Vaudésir, Valmur, Grenouilles, Les Clos, Blanchot et Les Preuses.
Ces climats se situent à mi-pente, entre 120 et 200 mètres d’altitude, et sont principalement exposés à l’est et au sud-est. Tous reposent sur un sol calcaire du kimméridgien, très caillouteux.
Les Clos est le plus vaste des grands crus de Chablis, avec près de 25 hectares de vignes. Réputé pour son extraordinaire capacité au vieillissement (15 à 20 ans sans problème), Les Clos est un vin très tendu et minéral, évoquant le silex et l’iode, avec des notes épicées (cannelle). Il est parfois considéré comme un peu austère, surtout s’il est dégusté trop jeune.
Vaudésir occupe une quinzaine d’hectares de pentes abruptes, formant un véritable amphithéâtre naturel. Ici, la roche mère calcaire affleure souvent et le sol est particulièrement maigre, donnant des rendements très faibles de raisins gorgés de sucs et parfaitement équilibrés. Souvent comparé au Montrachet de la Côte-d’Or, Vaudésir donne des vins à la fois minéraux et floraux, à la tension juste. Le bouquet est extraordinairement complexe, mêlant tilleul, acacia, fruits à chair blanche, agrumes, épices douces (cannelle, vanille), amande, miel et arôme de mousseron caractéristique de l’expression d’un grand chardonnay sur ces calcaires kimméridgiens. C’est ici que l’on trouve l’historique parcelle de La Moutonne célébrée dès le Moyen Âge par les moines de l’abbaye de Pontigny.
Le grand cru Les Grenouilles couvre moins de 10 hectares, idéalement exposés au sud-est, formant une sorte de croupe fortement inclinée, garantissant un drainage idéal. Plus des trois quarts du climat sont exploités par la cave coopérative La Chablisienne, sous le nom de Château Grenouilles. C’est un chablis très séducteur, gourmand, plus « ouvert » que Les Clos par exemple. Au-delà de son équilibre entre notes florales, fruitées et minérales, il séduit en bouche par son gras et son côté charnu, mais sans excès, laissant se développer une longue finale minérale.
Valmur occupe une dizaine d’hectares, de part et d’autre d’une petite vallée à la double exposition sud-est (plus précoce) et sud-ouest. Le chardonnay bénéficie d’un sol argilo-calcaire kimméridgien très homogène, parfaitement drainé et ventilé. Ce climat donne des vins particulièrement denses et concentrés, qui expriment un fruité puissant (fruits blancs bien mûrs) mais jamais lourd, contrebalancé par une belle minéralité sous-jacente.
Les Preuses, tirant son nom de la matière « pierreuse » dont ce climat est issu, affirme de la meilleure des façons minéralité (pierre à fusil) et notes iodées. Pourtant situé dans une zone relativement haute (près de 200 mètres d’altitude), il affirme une densité et une concentration hors du commun. Le nez est riche, mêlant notes d’acacia, notes fumées, fruits secs et agrumes. La bouche est généreuse, à la fois dense et fraîche. Les meilleurs millésimes possèdent un potentiel de garde de plusieurs décennies.
Situé sur la partie nord-ouest du coteau des grands crus, le climat de Bougros est probablement le moins connus des grands crus de Chablis. Avec ses 15 hectares plantés sur des sols pauvres et pierreux, il produit des vins au caractère iodé et minéral très prononcé. Moins opulent que ses voisins Vaudésir ou Les Preuses, Bougros séduit par sa distinction et sa finesse. Les notes grillées et florales (acacia, tilleul) dominent.
Blanchot doit probablement son nom à la couleur des sols qu’il occupe, mêlant calcaire kimméridgien et fines couches de marnes blanches. Ce grand cru du sud-est de la zone d’appellation compte une douzaine d’hectares, exposés au levant, de maturité un peu plus tardive que ses voisins. Les vins sont ici très purs, cristallins, marqués par un équilibre parfait entre notes florales, fruits blancs (poire, pêche) et salinité.
Les grands crus de Chablis appellent, par leur complexité aromatique et leur élégance, de la haute gastronomie. Homard, langouste, écrevisses, poissons nobles à chair ferme (turbot, sole, lotte), coquillages iodés comme les huîtres ou les ormeaux, belles volailles en sauce onctueuse, ris de veau, sauces aux mousserons ou aux trompettes-de-la-mort… la liste des mets susceptibles d’être magnifiés par un chablis grand cru est très longue ! Sans oublier un fromage de chèvre affiné ou un gruyère de grotte…