Le ciel est menaçant et les frimas parfaitement automnaux en ce mardi 22 novembre. Mais les sourires sont de mise dans la longue file d’attente qui nous conduit, lentement, dans le Festsaal de la ville de Neustadt an der Weinstrasse. En effet, on mesure chaque année la chance d’être là dans le Palatinat, à une heure et demie de Strasbourg, au sein du Meininger’s Finest 100, événement élégant et plein d’exquises découvertes viniques. Un salon organisé par la maison d’édition Meininger depuis 7 ans, autour de 100 vignerons et vigneronnes qui comptent, de quelques centaines de sommeliers, cavistes et acheteurs. Dans ce bâtiment joliment désuet, habituellement lieu de culture, aujourd’hui complétement dévolu au vin, à leurs faiseuses et faiseurs.
Le Meininger’s Finest 100 a ceci d’agréable qu’on ne s’y bouscule pas, qu’on y prend son temps sous des lumières tamisées, dans une ambiance feutrée et sans tumulte. Les stars des vignobles allemands et autrichiens, en grand nombre, font ressembler ce salon à un grand-messe du riesling de Nahe, du Rheingau, de la Pfalz, de la Wachau ou de la Saar. On croisera cependant quelques invités de marques français, italien, portugais ou espagnols. C’est ainsi que nous apercevons avec joie la présence de Marjorie Gallet du Roc des Anges, pour ne citer qu’elle.
L’occasion était trop belle de se délecter de grands riesling rhénans ou mosellans, et de partager avec vous quelques émotions parmi les plus marquantes de cette journée de dégustation riche en souvenirs de Spätlese, Kabinett ou autre Auslese, et même d’un Eiswein ineffable et presque irréel.
Le toujours très inspiré Weingut Christmann propose pour entamer cette ascension des grands blancs allemands - et autrichiens – un riesling effervescent : la cuvée 102 Brut Nature NV. Ce dernier nous illuminera les sens avec sa bouche pleine de fraicheur, de tension et ses notes florales exquises. La cuvée Idig Riesling Grosse Lage 2021 est un cru marqué par des argilo-calcaires qui laissent s’exprimer une belle élégance florale. Un riesling tout en légèreté gracile, assez atypique et fort séduisant.
Dönnhoff propose de nous régaler d’une Auslese 2016, la cuvée Oberhäuser Brücke. La sucrosité mâtinée de notes acidulées, d’expressions oléagineuses délicates range ce vin chez les grands de la Nahe. Nous enchaînons avec une épatante Auslese de 2013 du même terroir, d’une fraicheur époustouflante doublée d’un gras tout à fait surprenant. Une texture qui dessine les contours d’un vin au cœur effilé et tendu. Un Eiswein sorti de derrière les fagots – pour quelques happy few dont nous fûmes – marquera nos papilles pour un bout de temps. Sublime !
Nous nous arrêtons ensuite chez l’impeccable Georg Breuer de Rüdesheim, dans la Rheingau. L’Estate Lorch 2021, furieusement riesling, offre un nectar saisissant et tranchant. On appréciera également la cuvée Terra Montosa 2021 joliment acidulé, un vin séveux en diable.
Des propositions de l’excellent Peter Jakob Kühn, on retiendra l’Oestrich 2021, cuvée Quarzit. Un vin délicatement floral, on pense au tilleul, que des amers délicats relèvent formidablement. Le Klosterberg 2020, VDP Erste Lage, se révèlera iodé et finement salin. Le Sankt Nikolaus GG Riesling 2020 confirme, quant à lui, sa classe intemporelle.
La Saar possède avec Van Volxem un faiseur historique et tout à fait emblématique. Nous avons particulièrement apprécié sa cuvée Im Atrium 2021, juteuse, rectiligne et pure ainsi que son sublime Bockstein Riesling Kabinett 2021 pour sa bouche lumineuse, son fruit mûr.
La dégustation des cuvées de Dr. Burklin Wolf, l’autre star allemande de la Pfalz, s’avèrera des plus enrichissantes : un grand moment de cette journée ! Nous ne sommes pas prêts d’oublier la dégustation de leur Gaisböhl G. C. Monopole 2002. Un nectar emballant et complexe avec ces notes légèrement oxydatives. Un riesling d’une grande classe qui raconte en creux la prodigieuse capacité au vieillissement de ce grand cépage.
Dérogeant, un peu, à la règle, nous nous sommes attardés longuement sur le stand du Weingut Pichler-Krutzler de la Wachau en Autriche pour y goûter d’étonnant Grüner Veltliner, cépage emblématique autrichien particulièrement répandu en Basse-Autriche. Nous avons tout particulièrement apprécié la fraicheur, la pureté et la sapidité de la cuvée Ried Kellerberg 2020. Le Ried Pfaffenberg 2020, issu de vieilles vignes, retenait tout autant notre attention avec sa matière ample et profonde, expression particulièrement réussie d’un riesling autrichien. A suivre donc.
Enfin, nous ne pouvions pas clore ce rapide tour d’horizon sans partager avec vous le choc esthétique et sensoriel que nous avons eu en dégustant les vins d’un invité de marque, Josko Gravner, vigneron cultissime du Frioul italien. Des vins qui séduisent autant qu’ils intriguent depuis des décennies, des nectars inclassables issus des cépages autochtones ribolla et pignolo élevés en foudre et fermentés en Qvevri géorgienne. Cette année encore la dégustation fut une expérience rare et singulière. Nous nous arrêterons sur le Ribolla 2013, à la robe jaune-orange, qui présente au nez des notes d'herbes aromatiques séchées, de cire d'abeille, de camphre, d’orange amère ou de sauge. La bouche, délicieusement tannique, rappelle les très grands vins oxydatifs avec une pointe de rancio majestueuse. On rêve déjà de l’associer à une tarte fine au chocolat et aux noix…
Voilà, c’est déjà fini… jusqu’à l’année prochaine !