Il y a des semaines comme ça qu’on n’oubliera pas, de celles qui vous délient la langue (et la plume !) tant l’envie de partager est forte. Pour commencer, un temps radieux, une température douce pour des journées encore longues. Cerise sur le gâteau pour ceux qui y attachent de l’importance - nous en faisons partie - les jours lunaires étaient au top, « fruit » les lundi et mardi 16 et 17 octobre 2017, « racine » le mercredi et le jeudi : parfait pour déguster !
Lundi 16 : Chassagne et Puligny
En Côte de Beaune, le sourire était de mise chez les vignerons. Pourquoi ? Pour une raison on ne peut plus simple : IL Y A DU VIN en 2017, ouf ! Dans le Chablisien, nous avons aussi reçu un excellent accueil, malgré une récolte encore une fois violemment amputée : le stoïcisme des vrais vignerons impressionne.
C’est au Domaine Morey-Coffinet qu’a débuté ce périple enthousiasmant. Thibault nous accueille dans ses vieilles caves magnifiques, sur les hauteurs de Chassagne-Montrachet, entre ogives en pierre et graviers. C’est parti pour le millésime 2016 ! Une Romanée de très haut vol, à l’aromatique poétique et à la minéralité sophistiquée, une Pucelle toute proche d’un Grand Cru, iodée et puissante, sans parler d’un Meursault-Perrières à l’allonge phénoménale, et tout ça dans la tranquillité, la modestie et une grande gentillesse. Merci Thibault.
A quelques mètres de là, nous enchaînons avec le Domaine Paul Pillot : c’est Thierry qui s’y colle. En 2016, les vins sont lumineux et énergiques, à l’image de notre hôte, il y a des ondes positives plein la cave!
Un Saint-Aubin Charmois bourré de fraîcheur et de naturel, un Chassagne Clos Saint Jean jouissif et actif, une Grande Montagne, qui offre une vraie montagne de fruit, rajeunissante et vibratoire, une Grande Ruchotte généreuse, gourmande et ultra persistante. Mens sana in corpore sano, c’est ce qui vient à l’esprit quand on pense à Thierry Pillot.
La fête continue à Puligny-Montrachet. Jacques Carillon « nous montre ses vins » comme il dit toujours (les 2015 et les 2016), cet homme qui parlait déjà de minéralité lors de notre première rencontre, il y a bientôt vingt ans. Perrières, ça veut dire pierre et sur ces deux millésimes, la parenté avec les Perrières de Meursault n’échappe à personne : plus compacts, presque plus tanniques qu’à l’accoutumée, des vins sérieux, taillés pour la garde. Suit un beau Referts 2016 minéral et marin, avec beaucoup de finesse, et son compère de 2015, aérien et expressif, floral et délicat.
La journée se termine dans les caves de Vincent Dancer, un homme fin et libre, maître de son destin, extrêmement lucide. Nous sommes sur la Route des Blancs mais on pourra difficilement taire la qualité de ses rouges, tous excellents. Quant aux blancs, on est ici aux antipodes des vins « m’as-tu-vu » et tapageurs. Leur subtilité peut passer au-dessus de la tête des gens (pressés), mais Vincent n’en a cure. Ici, la balle est dans le camp du dégustateur : s’il est superficiel, il passera royalement à côté. S’il est concentré et pointilleux, alors le Meursault Grands Charrons, magnifique, ou encore le Chassagne Romanée, mystérieux et diaphane, ou enfin le Chevalier-Montrachet d’une interminable longueur, viendront le gratifier de l’attention qu’il aura su porter à ces vins, qui affichent tous une classe folle.
Mardi 17 : dans le Mâconnais
Une centaine de kilomètres plus au sud, nous sommes dans le Mâconnais ce mardi et la journée va être aussi belle que la précédente. Nathalie Saumaize a eu son courriel piraté, le téléphone n’arrête pas de sonner, elle assume et elle assure. C’est Anthony qui nous fait déguster, le jeune homme (le fils de Nathalie et Jacques) est serein, solide, compétent, il est bien, on est bien et il fait encore et toujours beau. A la table où nous nous trouvons, la porte ouvre sur le spectacle sublime qu’offre ce vignoble, un des plus beaux de ce pays. Roche de Solutré, roche de Vergisson, océan de vignes plantées là où jadis ce fut la mer et à l’évidence, cette mer est toujours partie intégrante des vins. Très haut niveau d’ensemble, tous les vins sont hautement recommandables et lorsque on goûte au Mâcon-Bussières 2016 sur sol argilo-limoneux, avec des vignes âgées de 55 à 65 ans, on n’est plus dans le recommandable mais plutôt dans l’indispensable. Les Saint-Véran sont remarquables avec des Cras, orientés au sud, spectaculaires. Les deux lieux-dits sur Pouilly-Fuissé, Maréchaude et Courtelongs, sont absolument superbes.
Eric Forest a les idées bien en place. Il assume tout ce qu’il fait comme rarement cela nous a été donné de l’entendre. Pas bio, non pas qu’il n’en ait pas les moyens, ou qu’il en ait peur, mais seulement parce qu’il refuse de se laisser enfermer dans un modèle, quel qu’il soit, ce qui ne l’empêche pas d’y puiser ce qu’il croit bon pour ses vignes. Observation, réflexion, action : voilà son credo. Les vins que nous avons goûtés ont tous en commun la densité de leur matière, la maturité de leur fruit et l’implantation profonde dans le substrat rocheux. De son Mâcon-Vergisson à son Pouilly-Fuissé Les Crays, on est impressionné par la dimension physique de ses vins, dans ce millésime 2016, pourtant déjà naturellement puissant. Une dimension qui rapproche son travail de celui de son illustre aîné, et formateur, Jean-Marie Guffens !
Caroline Gon nous attend à Milly-Lamartine, où le grand poète "quasi-éponyme" Bourguignon passa le plus clair de son enfance. Dominique Lafon a été bien inspiré de choisir cette femme pour prendre soin de cet investissement dans le Mâconnais qui a pris, depuis 1999, une dimension considérable. A l’investissement initial ont succédé, de manière quasi ininterrompue, des acquisitions de parcelles, sur les villages d’Uchizy, de Chardonnay, de Saint Véran et enfin sur le finage de Pouilly-Fuissé, du gros bateau on est passé au transatlantique, et le tout en bio-dynamie s’il vous plaît ! Malgré la charge démesurée de travail, Caroline assure comme personne : énergie, compétence et extrême gentillesse, que demander de plus? Toute la gamme des Héritiers Comte Lafon est épatante de justesse, avec quelques mentions spéciales : au Clos du Four de Milly-Lamartine pour cette omniprésence du sol du premier nez jusqu’aux derniers soubresauts de sa longue finale, au Viré-Clessé dont on mesure mieux aujourd’hui tout le travail qui a conduit les vignes à pénétrer tellement plus profondément dans le sol, même remarque pour le village de Chardonnay qui a tant gagné en définition, somme toute en un temps record, enfin ce Saint-Véran, poivré, musqué, bourré de fruits de mer, tellement intense.
Remercions Dominique Lafon et Stéphane Thibodaux de nous avoir suggéré, voici quelques années déjà, de goûter aux vins de Franz Chagnoleau, le compagnon de Caroline. Pour nous, ce que réussissent Franz et Caroline est admirable et tellement rare. Leurs vins parlent tout le temps, habités par une vie intérieure rarement égalée, on quitte l’excellent pour atteindre une forme de perfection dès le premier vin, un « simple » Mâcon-villlage qui n’a rien de simple, il serait plutôt exceptionnel et on finit avec la cuvée de Pouilly-Fuissé nommée Madrigal : énorme ! Ceux-là aussi, comme les Delecheneau à Amboise, semblent aimer Beethoven (Cuvée de Pouilly-Fuissé « Pastoral »), Monteverdi et Purcell. Magnifique moment.
Le soir, nous sommes de retour à Meursault où Marie Pierre Mikulski nous attend avec un beau plateau de fruits de mer, et quelques beaux nectars signés par son mari, François, mais aussi par quelques-uns de leurs amis alsaciens comme André Ostertag…
Mercredi 18 : Puligny, Meursault et Saint-Aubin
Le 18, nous avons dû diviser nos forces tant il y a de pain sur la planche ! Le premier est parti goûter au Domaine Etienne Sauzet, ça n’est sûrement pas là qu’il a pu retoucher terre : du « simple » Bourgogne au Bâtard Montrachet, Benoît Riffault a réussi un millésime 2016 époustouflant. Pour n'en citer que quelques-uns, mentionnons le Puligny Village qui offre une belle concentration et vous embarque immédiatement sur des arômes de fleurs et de poudre à canon. Les Referts, dans un registre que l’on pourrait qualifier de « masculin », aux notes poivrées et au fruit juteux, sur la poire. Sa rondeur et sa puissance nous emmène du côté d'un Meursault Charmes, dont il est voisin. Que dire enfin du Bâtard-Montrachet, exceptionnel de complexité et de persistance ! Au total, une gamme précise, toujours marquée par la pureté et l'élégance. On ne saurait être complet sans souligner la gentillesse et l'humilité de Benoît qui a fait de cette dégustation un joli moment suspendu.
Nous arrivons à Chassagne-Montrachet chez Caroline Morey et Pierre-Yves Colin, un duo de choc dont les vins n’ont pas fini de faire saliver les amateurs de grands bourgognes, précis et puissants. Car, si l’on connaît et apprécie depuis bien longtemps la gamme développée par Pierre-Yves (Domaine Colin-Morey), nous sommes aujourd’hui ici pour déguster à nouveau les vins de Caroline, découverts voici deux ans. En effet, depuis 2014, Caroline a récupéré progressivement près de 7 ha de vignes de son père, Jean-Marc Morey, sur de superbes terroirs de Chassagne. Caroline connaît aujourd'hui les affres et les joies du lancement d'un nouveau domaine : excitation et accomplissement de tout créer ex nihilo, la création de l'étiquette est vécue ici comme la naissance "d'un troisième enfant"...mais aussi les angoisses des débuts : vais-je trouver mon public ? En cave, Caroline et Pierre-Yves réalisent, de bout en bout, un vrai travail à quatre mains. Toutes les cuvées sont clairement d'un très haut niveau, jouant sur une définition extrêmement précise de chaque terroir, avec une mention particulière pour les chassagnes Les Chaumées et Cailleret. Au vu de ce que nous avons dégusté, nul doute que le succès de ce « nouveau » domaine va vite rendre nos « approvisionnements » compliqués…
On quitte Chassagne pour arriver à Saint-Romain : le domaine d’Alain Gras est comme suspendu, tout en haut du côteau, avec une vue spectaculaire sur la vallée. Ce dernier nous reçoit en compagnie de dégustateurs américains. On goûte la cuvée phare du Domaine en blanc : le Saint Romain blanc 2016 issue de l’assemblage de 42 parcelles (8 ha). On est en présence d’un vin ancré dans son terroir avec des vignes de plus de 50 ans qui plongent très profondément dans le sol. Vin de gastronomie s’il en est, le 2016 est un jaillissement de fleurs blanches, d’arômes de citron vert, de minéralité, le tout accompagné de fines notes grillées. Une très belle réussite !
Le second, en parlant de Morey, avait rendez-vous avec Anne au Domaine Pierre Morey de Meursault, où normalement, après 4 années de récoltes déficitaires, nous devrions avoir du vin sur les prochains millésimes, si 2018 confirme la bonne récolte des 2017... A pareille époque l’an dernier, Anne était sur le point de craquer. Millésime 2014 grêlé avec une toute petite récolte, millésime 2015 qui n’avait pas réussi à donner du vin tant les vignes avaient été blessées, millésime 2016 avec un rendement dans les appellations régionales, de 16 hectolitres dans les Bourgognes rouges et de 17 hectolitres dans les Bourgognes blancs, pas de Monthelie 1er Cru, pas de Meursault Terres Blanches, 1 barrique de Volnay Santenots au lieu de 5 ou 6 dans un millésime « normal »! Que faire ?
Il y a un mois, au lendemain des vendanges 2017, dès que nous avons su qu’elles s’étaient bien passées, nous avons eu Anne au téléphone pour l’entendre, enfin, exprimer du soulagement. 2017 est donc un millésime généreux et très prometteur en qualité. Dégustation de quelques 2016 donc : le Bourgogne blanc est plus « Meursault » que jamais, fruits secs, fruits blancs et épices, avec une finale aussi longue que droite. Le Meursault Les Tessons indique, dès l’entrée en bouche, qu’il ne s’adresse certainement pas aux « pressés » du tire-bouchon, la matière est d’une densité énorme et la garde ne saurait être inférieure à 7 ou 8 années, à bon entendeur ! Le Bâtard, cuvée où hélas on parle de bouteille au singulier, pas de caisses au pluriel, est coincé entre l’effet millésime et la grêle. C'est un vin démesuré, vraiment difficile à évaluer aujourd’hui tant il est concentré, massif, hiératique. Vue la matière et vus les équilibres, l’élevage l’amènera à plus d’amabilité, mais pour le moment, le côté « monstre » domine. Nous aurons sans doute l’occasion de le goûter avant la mise, qui n’est pas pour demain : impatients, rongez votre frein !
L’équipe se reforme en fin d’après-midi pour aller chez les frères Bachelet, Benoît et Jean-Baptiste. Ces deux-là sont vignerons avec un V majuscule : fierté du travail accompli avant eux par leur père Jean-Claude, amitié et respect pour leurs confrères, dédain pour les affairistes… et toujours cette humilité, cette rigueur au travail et cette insatiable curiosité… C’est le 2015 que l’on goûte ici, deux ans d’élevage, c’est le tarif chez les Bachelet et évidemment, avec un tel affinage, ce qui nous est proposé à la dégustation, ce sont des vins qui ont pu développer toutes les qualités du millésime (force, maturité, ampleur du fruit) et qui ont su se débarrasser totalement de ses imperfections (lourdeur, alcool).
Difficile de mentionner un vin plutôt qu’un autre, on est constamment admiratif, il y a là tout ce qu’on peut idéaliser dans un grand vin de la Côte d'Or, le sol d’abord, vivant et incroyablement expressif. En Remilly, Murgers des Dents de Chien ou Sous le Puits sont littéralement sculptés par leur sol ! Le fruit ensuite, plus vrai que nature, présent dans tous les vins, juteux, excitant, par moment survolté, quelle énergie ! La magie des terroirs au final, que les frères Bachelet ont le don de transcrire dans le verre. Mentionnons la progression marquée des Macherelles de Chassagne, qui passent, avec ce millésime, de l’excellent à l’indispensable. Jean Baptiste nous a mis un dernier « uppercut » en nous sortant un Charmois 2003 à l’aveugle. Nous écrivons « une fraîcheur incroyable, une sensualité profonde et une complexité étonnante, une formidable leçon du terroir dans un millésime que tous les amateurs ont acheté à reculons ». Bravo !
Jeudi 19 : à Chablis et de retour en Côte d’Or
Jeudi, après un réveil on ne peut plus matinal, rendez-vous dans l’Yonne cette fois, chez Vincent Dauvissat, qui arrive en bicyclette, comme toujours, qu’il pleuve ou qu’il vente. Mais cette fois, c’est bien ce sublime été indien qui se poursuit…
Que dire de ces 2016 ? Peut-être que les terroirs sont encore plus différenciés que jamais, que le Petit Chablis est une provocation tant ce vin est complet et sa finale persistante, que le Séchet, parfois très sérieux, est en 2016 un vin raffiné, d’une grande dynamique, sapide au possible et doué d’une finale d’une intensité et d’une droiture parfaites. Notons un grand, un très grand « Forest », avec une expression de sol fantastique dans le cadre d’une matière nourrissante, mais très subtile. Les Preuses, Genevrières local, roi des Grands Crus, toujours aussi planant, sophistiqué, profond. Les Clos, monolithe monacal à la densité intimidante qui appréciera les 3 ou 4 mois qui le séparent de la mise. En l’état, il pourrait presque faire peur aux enfants ! Superbe moment où (avec l’aide de Vincent, avouons-le) le millésime du vin à l’aveugle qui clôture traditionnellement la dégustation, a été trouvé, c’était un 2001 : on a le droit d’avoir de la chance parfois.
Samuel Billaud est un homme solide et aimable, sérieux et sympathique, rigoureux et détendu, ses qualités s’additionnent, elles ne s’opposent pas. Visite de la toute nouvelle installation, aussi belle que fonctionnelle, fût un temps, c’était chez Moreau-Naudetavant que ce domaine ne s’excentre vers la vallée de Valvan, à la sortie de Chablis. N’y allons pas par quatre chemins, ici aussi on est très haut dans la hiérarchie, il n’y a pas le moindre doute : un Chablis de haute tenue, 5 premiers crus tous parfaits, précis, bien nourris de lies, peu ou pas marqués par le bois (20% de barriques d’un vin pendant une année, puis fin de l’élevage en cuve), 4 superbes Grands Crus où le Vaudésir nous a paru ce jour-là tenir la palme. A l’évidence, ce vigneron issu d’une des plus célèbres familles de Chablis sera bientôt sur La Route des Blancs, il ne peut pas en être autrement…
Nouvelle séparation de l’équipe, le premier s’en va goûter chez Virginie Moreau-Naudet, pendant que l’autre redescend vers Meursault où il est attendu… Virginie est là, sur le pas de la cuverie avec ses deux gros chiens, elle a l’air impatiente de faire découvrir ce pour quoi elle se bat sans relâche depuis la disparition de Stéphane, son mari. Elle sait certainement qu’elle a réussi au-delà des espérances, mais elle a peut-être encore besoin de l’entendre. Dès le premier vin, le Petit Chablis 2016, on comprend tout de suite qu’elle a gagné. Par timidité ou par superstition, qui sait, c’est après le Chablis, un vin phénoménal, majoritairement situé dans le lieu-dit des Vaillons, que les vannes ont lâché. Emotion mêlée à de l’admiration. Virginie, jadis si discrète, se mit à parler, de l’épreuve traversée, elle voulait tant que Stéphane puisse être fier d’elle, elle est victorieuse. Ajoutons que Bernard Raveneau et Vincent Dauvissat lui ont grand ouvert la porte et le cœur, et l’ont soutenue coûte que coûte : « Mimi », comme on l’appelle chez elle, est leur amie. Quatre premiers crus avec un Montmains extraordinaire, interminable, talonné d’un Forêt, lui aussi d’une longueur superlative, une Montée de Tonnerre plus que jamais proche des Clos, un Vaillons de dimension considérable, bref, on est au sommet, grand moment de vin et grand moment humain aussi.
Fin de ce beau périple à Chablis chez Nathalie et Gilles Fèvre à Fontenay. Première rencontre avec une « Mademoiselle » Fèvre qui s’installe chez ses parents et paraît toute disposée à mettre son énergie au service du Domaine. Dans ce millésime 2016, des trois premiers crus de la maison, c’est le Mont de Milieu qui nous paraît le plus réussi, épicé, on peut presque dire pimenté, Le Vaulorent, dans ce millésime à la climatologie si violente, a troqué sa grâce et son raffinement contre des habits de Vaillons, avec des arômes plus pâtissiers qu’à l’accoutumée et des saveurs mêlant les agrumes aux fruits exotiques. Avec le Vaulorent 2015, goûté à la suite du 2016, on retrouve sa personnalité, même si les touches de champignons blancs et de truffe ne sont pas si habituelles. La bouche, fidèle à la finesse du cru, dévoile une belle harmonie.
Les Preuses 2016 n’étant pas mises, c’est le 2015 qui est proposé. On sent tout de suite un nez complexe mêlant fleurs blanches et jaunes, fruits blancs pochés, tabac, miel, jaunes d’œuf battus, violette, tapioca. La bouche est juteuse, réglissée, avec des fruits blancs jusqu’à la pêche blanche. Belle droiture, belle allonge. Le 2014 est plus marqué par le terroir avec son cortège de notes marines, de la coquille d’huître aux pinces de homard, suivi de notes de champignons, mousserons et trompettes, enfin d’autres notes caractéristiques de cire d’abeille et d’encaustique. La bouche est pleine de fruit et de matière, ça finit droit et puissant. Nous terminon avec un Vaulorent 2012, fin et complexe, fruité et expressif, doté d’une très belle finale largement marquée par le sol, beau vin.
Pour le second, c’est un retour à Meursault en fin d'après-midi pour déguster au Domaine Buisson-Charles. Catherine, volubile et charmante, nous accueille, et nous mène en cave pour la dégustation conduite par Patrick Essa, son mari. Nous avions gouté les vins, il y a 2 ans, aux Grands Jours de Bourgogne et de nouveau, nous avons été séduits par l'ensemble de la gamme. Bill Nanson, journaliste de Burgundy Report, avec lequel nous partageons cette dégustation a l'air, lui aussi, emballé par ce que nous goûtons. Chaque cuvée est d'un très haut niveau, avec une lecture extrêmement précise de chaque terroir. L’âge des vignes y est certainement pour quelque chose : les plus jeunes ont entre 40 et 50 ans ! La vinification est un sans-faute. Le Meursault Les Tessons offre une grande concentration, beaucoup de puissance et de droiture. Avec Les Bouchères, on monte encore d’un cran ! Un vin énorme ! Au-delà, ce qui fascine, c'est la connaissance qu'a Patrick des terroirs de la Côte d’Or. Pour chaque cuvée, il détaille, de façon toute naturelle, le substrat rocheux, l'orientation, l'histoire du climat. Patrick est un puits de connaissance qu’on ne se lasse pas d’écouter !
Nous enchaînons avec une dégustation au Domaine Ramonet, mythe vivant de Chassagne-Montrachet, et plus largement de la Bourgogne, où nous sommes accueillis par les deux filles de Jean-Claude. Présents à cette dégustation, William Kelley, journaliste « Bourgogne » de Decanter, Pierre Cohen-Tanugi, grand connaisseur des climats de Bourgogne et inventeur avec Sylvain Pitiot de l'application Climavinea, qui, en un clic, vous donne les informations clés de chaque climat de Bourgogne. Toujours à l’écoute des remarques de chacun, ayant toujours un mot gentil, Anne-France et sa soeur nous embarquent dans une dégustation brillante des 22 cuvées du domaine. Chaque vin est amené à son summum, c’est à chaque fois un véritable concentré de terroir : la gamme est bluffante. S'il faut ne citer que 3 ou 4 cuvées, alors on mettra en avant le Chassagne Village, qu’à l’aveugle on jurerait être un premier cru, Les Murgiers des Dents de Chien à Saint-Aubin, qui éblouit par son bouquet d’herbes fines, ses notes de pierre à fusil et sa longueur, le Chassagne 1er cru En Cailleret, dont le nez est éblouissant et la bouche « explosive », et le Chevalier Montrachet, du grand art ! Jean-Claude nous rejoint en fin de dégustation et entame une conversation avec nous tous, avec l'humour, la sincérité et surtout la générosité qui le caractérisent...Vers 19h30, Jean-Claude débouche un Bâtard-Montrachet 2013 pour "l'apéro"... Immense vin qui nous confirme que 2013, malgré tout ce que l’on a pu lire dessus, a produit de très grandes choses ici, qui commencent à se dévoiler…
Vendredi 20 : Rully, Meursault et Saint-Aubin
Le vendredi, nous voici à Rully, où nous rendons d'abord visite à Marie Jacqueson au Domaine éponyme. Série brillante des 2016, tous élancés, élégants, très purs et actifs en bouche... Chez les Jacqueson, les réussites succèdent aux réussites... Nous avons la joie de découvrir que nous disposons cette année encore d'une très belle allocation, que vous pourrez découvrir l’hiver prochain. Un petit mot aussi pour dire que le domaine vient de racheter avec Aubert de Villaine, 5 ha de Rully 1er Cru les Préaux (en rouge)...Le premier millésime est une bombe ! On enchaîne avec le Domaine Jean-Baptiste Ponsot : trois cuvées en blanc, avec ce style plein, fougueux et généreux, très sincère au final, comme le vigneron. La cuvée village (en Bas de Vauvry) vaut le détour et constitue encore une fois un des plus beaux rapports qualité-prix de la Bourgogne : rondeur, élégance minérale, profondeur... bref, il a tout ce que l'on peut attendre d’un excellent blanc bourguignon.
On termine la journée avec une nouvelle dégustation des 2015 chez François Mikulski. En l’absence de François, c’est Thomas, son gendre, qui s’y colle. Comme toujours, c’est un plaisir de tous les instants (nos notes de dégustation sont déjà publiées sur le site). Cette semaine s'achève dans le chai d’Olivier Lamy qui nous propose, de nouveau avec Bill Nanson, une dégustation de très haut vol : certains vins ayant été soutirés l’avant-veille, Olivier réalise des assemblages en temps réel pour nous donner un aperçu de ce que donneront chacune des cuvées. La technicité et la précision d’Olivier nous épatent. On parle du travail dans les vignes avec une approche pointue sur la taille, la plantation (haute densité), l'ajustement des vendanges en fonction de chaque orientation des parcelles, etc...mais aussi du travail en cave, d'une rigueur extrême. Au final, on est en présence d'une gamme précise, cohérente, avec une mention toute particulière pour la cuvée Derrière Chez Edouard, épurée, fine, presque Chablisienne dans ses tonalités iodées, le Clos de la Châtenière dans son registre épicé (réglisse, poivre), au fruit généreux (poire pochée), En Remilly dans son équilibre magistral entre agrumes (yuzu), pêche et minéralité (silex mouillé). On ne pouvait pas mieux clore cette semaine un brin fatigante… mais exceptionnelle! Nous avons déjà hâte d’y retourner et, surtout, de pouvoir bientôt vous proposer toutes ces cuvées de très haut vol !