Déjà plus d’un an que nous sommes partis sur la Route des Blancs, avec l’ambition de dénicher et vous proposer ce que le vignoble français et ses plus grands terroirs produisent de meilleur dans cette couleur. Il est temps pour nous de commencer à élargir notre horizon, car la France n’a bien sûr pas l’apanage des grands blancs, même si les vins de la Côte d’Or bourguignonne, pour ne citer qu’eux, font pâlir d’envie bien des vignerons dans le Monde…
Lorsque l’on pense « en blanc », l'Allemagne nous est apparue comme la première destination évidente après l'hexagone. Même si quelques amateurs éclairés connaissent depuis longtemps une poignée de domaines mythiques comme Egon Muller ou le Schloss Johannisberg, les vins allemands ont longtemps souffert en France d’une mauvaise réputation, cantonnés à des vins sucrés sans grand intérêt autre que celui d’accompagner un dessert tout aussi sucré ! Et pourtant, plus encore qu’en Alsace, la culture des grands vins de terroir, de plus en plus souvent secs, a fait ces 30 dernières années des pas de géant. Les vignobles de Moselle, de Saar, du Palatinat ou de la Rheingau, bref du Sud-Ouest de l’Allemagne produisent aujourd’hui des vins de très haute gastronomie, grâce à une nouvelle élite de vignerons qui pousse à son point le plus haut la recherche de l’expression de terroir, avec le plus souvent le cépage riesling comme fabuleuse courroie de transmission !
Voici un aperçu de ce que nous avons goûté de meilleur lors de cette route des blancs allemands effectuée par une partie de l’équipe courant novembre 2016.
Nous avons commencé notre périple par la Moselle avec un domaine qui, loin des standards mosellans de grands vins moelleux a bâti sa réputation sur de grands blancs secs. Bienvenue chez Heymann-Lowenstein. Dès sa reprise du domaine, Rheinhart Löwenstein a voulu faire des vins secs sublimant les coteaux vertigineux de Winningen, situé dans la dernière partie de la Moselle, le dernier village avant Koblenz. Ses vignes tombent littéralement dans la Moselle, avec des pentes de plus de 60 % où il est impossible d'envisager des travaux de la vigne sans treuil ou petit wagon individuel sur rail. Malgré ces conditions extrêmes, Rheinhart Lowenstein veut pousser la recherche de l'expression de ses terroirs encore plus loin en montant désormais la densité de ses plantations à 10000 pieds/ha. A la dégustation, on se dit que Rheinhart a eu pleinement raison de s’émanciper de la tradition mosellane et de tracer sa propre voie : les vins déploient une profondeur et une élégance dignes des meilleurs grands crus alsaciens. Ici, l’acidité est pleinement au service de la fraîcheur et d’une expression pure et nuancée des terroirs. Festival d’arômes floraux et minéraux, sensation d’extrême pureté en bouche, verticalité et profondeur : c’est un sans-faute !
Le mardi 22 Novembre était organisé pour la première fois par le groupe de presse Meininger's le salon Finest 100, à Neustadt am Weinberg, au cœur du Palatinat. Nous avons eu la chance d'y être invités par le Domaine Diel. Toute l’élite du vignoble allemand était présente, et pas seulement, puisque quelques noms magiques de la planète vin y était également représentés, comme la Romanée-Conti, Vega Sicilia, Ponsot, Huet ou encore Pascal Agrapart pour ne citer qu’eux… Nous avons pu à nouveau constater le niveau d'excellence des vins blancs allemands où pureté et terroir ne sont vraiment pas de vains mots !
Enorme coup de cœur pour les vins de Roman Niewodniczanski, heureux propriétaire depuis 2000 du Domaine Van Voxlem, domaine historique de la Saar, voisin immédiat d’Egon Müller. Un sommet ! Nous sommes convaincus que les vins de Roman font partie du TOP 10 des plus belles expressions au monde du Riesling ! Tout y est : la maturité, la légèreté, le profondeur, la pureté. Des vins immenses que nous aurons le plaisir de vous proposer à la vente dans très peu de temps. Roman est un personnage hors norme, extrêmement ambitieux, qui fourmille de projets. Dernier en date : faire renaitre un cru illustre du début du XXème siècle, le Geisberg, un lieu-dit de la Saar qui se vendait à l'époque 3 fois le prix d'un Lafitte ou d’un Haut- brion ! A suivre…
Autre style et autre coup de cœur avec les vins de Georg Breuer, aujourd'hui vinifiés avec grand talent par Teresa, la fille de Georg. Ses vins magnifient les terroirs de schistes et de quartz de la Rheingau. Mention spéciale pour le Nonnenberg, d'une finesse folle et d’une structure exemplaire, ainsi que le Berg Schlossberg , au nez particulièrement complexe et à la profondeur abyssale.
Bien sûr, difficile de déguster des vins allemands et de passer à côté du légendaire Schloss Johannisberg, le plus vieux domaine d'Allemagne, situé aussi dans la Rheingau. Nous sommes là dans un grand et noble classicisme, où tout est parfaitement à sa place. On commence par le sec, puis on grimpe la traditionnelle hiérarchie des vins allemands basée sur l’échelle de maturité et de sucrosité. Le miracle s'opère, on grimpe l'échelle et pourtant, aucune sensation de sucre ou d’une quelconque lourdeur. L’équilibre est parfait ! Le terroir du Johannisberg joue formidablement bien son rôle, il dynamise le vin et l'élance vers des hauteurs sidérales. Difficile de s’arrêter ! Mais il fallait bien continuer consciencieusement notre journée de dégustation…
En route désormais vers le Domaine Diel, installé dans la Nahe où nous avons apprécié les formidables ressources du lieu-dit Goldloch, à l'origine de leur excellent brut nature (qui nous rappelle que certains sekts allemands n’ont rien à envier à nos champagnes !) mais aussi des vins secs, d'une élégance rare. C’est la nouvelle génération qui est aujourd’hui à la tête du Domaine : Caroline et son époux français Sylvain. S’ils perpétuent la tradition maison, ils ont manifestement affiné encore le style, recherchant une expression minérale très aérienne, presque diaphane, dans ces cuvées principalement issues de terroirs de quartz et d’ardoises. Enthousiasme général pour le Pittermännchen, autre grand cru dont le style oscille avec élégance entre le citronné et les infusions, avec une allonge impressionnante.
Autre incontournable en Allemagne, le Domaine Dönnhoff, un des fers de lance du renouveau du vignoble et des vins allemands. Hermann Dönnhoff a aujourd'hui passé la main à ses enfants qui prolongent avec maestria ses options stylistiques : ici, les vins doivent avoir un éclat cristallin… et ils l’ont ! Les grands crus Dellchen Riesling et Hermannshöle en offrent une brillante démonstration. Pureté du fruit, élégance des parfums floraux, tension et vivacité en bouche, redoutable persistance…on en redemande !
Nous avons choisi de terminer ce rapide tour d’horizon, bien sûr très sélectif et forcément subjectif, par les vins du Domaine Christman, une totale découverte qui nous a montré à quel point le riesling pouvait être versatile et véritablement se métamorphoser selon le terroir dont il est issu. Aussi surprenant que cela puisse paraître, plusieurs de leurs grands crus, issus de terroirs très calcaires, nous ont transportés par leur finesse, leurs arômes et leur intensité minérale, du côté des meilleurs crus de Puligny-Montrachet ! Une preuve supplémentaire que dans les grands vins, c’est bien le terroir qui commande !
Nous vous donnons rendez-vous très bientôt dans de prochaines ventes privées, où, vous l’aurez compris, l’Allemagne sera à l’honneur… A suivre !
Quelques clés pour mieux comprendre :
Premiers et grands crus :
Comme en Alsace ou en Bourgogne, il y a en Allemagne une hiérarchie des crus, Erstes Gewächs (Premier Cru) et Grosses Gewächs (Grand Cru), qui réportorie, dans chaque région, les meilleurs terroirs. Le classement et le respect des stricts cahiers des charges de production qu’il induit, est soumis au contrôle du VDP (Verband des deutschen Prädikats- und Qualitätsweingüter), association qui regroupe l’élite des vignerons allemands.
La hiérarchie selon l’échelle de maturité :
Les vins de qualité supérieure (QmP : Qualitätswein mit Pradikat), que l’on peut considérer comme l’équivalent de nos vins d’appellation, peuvent faire l’objet d’un classement complémentaire en fonction du niveau de tri et de maturité du raisin (et, corrélativement du degré de sucrosité). Les catégories sont les suivantes :
- Kabinett (qualité supérieure)
Ces vins faits à base de raisins à bonne maturité sont relativement faibles en alcool, frais et élégants, ils se boivent plutôt jeunes. C’est dans cette catégorie que l’on retrouve la plupart des vins secs.
- Spätlese (Vendanges Tardives)
Pour une Spätlese , les raisins sont cueillis bien mûrs et au plus tôt sept jours après le début des vendanges. On trouve une très grande variété de Spätlesen , qui peuvent aussi bien être doux, demi-secs ou secs. On entre là dans la catégorie des vins de garde, surtout lorsqu’il s’agit de riesling.
- Auslese (Sélection Tardive)
Les Auslesen mûrissent sur la vigne plus longtemps encore que les Spätlesen . Comme ces derniers, il y a une grande variété de styles et de goûts.
- Beerenauslese (BA, Sélection de Grains Nobles)
Pour les BA , seuls sont récoltés les raisins atteints par la pourriture noble (botrytis) au stade de la surmaturation qui survient généralement à partir de fin octobre. La pourriture noble entraîne une forte concentration des sucres et des arômes de fruits et permet la production de vins liquoreux ou moelleux. Les meilleurs vins de ce genre ont un jeu d'acidité subtil qui équilibre cette douceur et qui fait le charme particulier du vin allemand. Par définition, les BA ne peuvent être produits chaque année, l’apparition du botrytis dépendant bien sûr des conditions climatiques.
- Trockenbeerenauslese (TBA, Sélection Tardive de Grains Nobles)
Pour obtenir une TBA , on laisse des grains individuels (et non pas des grappes !) atteints de « pourriture noble » sur la vigne jusqu'à ce qu'ils éclatent. L'eau qu'ils contiennent s'écoule, le raisin sèche et ses jus se concentrent davantage encore. C’est dans cette catégorie que l’on trouve les plus grands joyaux de la viticulture allemande, des grands liquoreux capables d’affronter des décennies de garde.
- Eiswein (Vin de Glace)
Pour produire le Eiswein , le raisin doit avoir atteint le stade de la Beerenauslese . On le cueille alors quand il est gelé, de novembre à janvier, au petit matin avant le lever du soleil, à une température inférieure à - 7° C, et on le presse aussitôt. La glace qui se forme à partir de l'eau contenue dans les grains est filtrée, et on obtient ainsi un moût très concentré, et un vin dont la saveur l'est également. Les Eiswein ne sont évidemment produits qu’assez rarement, lorsque toutes les conditions climatiques sont réunies.