Nous vous ouvrons les portes aujourd’hui d’une véritable institution du vignoble italien, un domaine qui, par la force de caractère, la créativité et l’opiniâtreté d’un homme visionnaire, a totalement redéfini la carte des grands blancs italiens, redonnant à la région de Soave une place de premier plan parmi la production de la péninsule.
Cet homme, c’est Leonidlo Pieropan, qui pendant plus de 50 ans, jusqu’à sa disparition en 2018, n’a cessé de bousculer les habitudes, faisant fi des modes du moment ou des oukases d’une administration transalpine parfois tatillonne, tout à sa recherche de l’expression la plus juste et profonde des terroirs de coteau, situés tout autour de la petite cité médiévale de Soave qui l’a vu naître.
L’histoire viticole de la famille commence à la fin du 19ème siècle, lorsqu’un autre Leonildo Pieropan, son grand-père, médecin de son état mais passionné de vin, crée une petite entreprise viticole. Dès 1901, il acquiert ses premières vignes sur le terroir aux sols volcaniques de Calvarino, qui deviendra, 70 ans, plus tard un des fers de lance des vins du Domaine, premier cru parcellaire dans l’histoire des blancs italiens.
Mais c’est à partir de la fin des années 1960 que le Domaine, encore petit à l’époque, prend véritablement son envol pour devenir l’emblème de toute une région, d’abord en Italie puis dans le reste du monde. Leonildo, deuxième du nom, vient y travailler dès l’âge de 19 ans, à peine ses études au lycée viticole de Conegliano terminées. Il s’intéresse d’abord au travail à la vigne, cherchant à comprendre dans ses moindres détails le lien qui unit la plante à son environnement, et, en particulier, les interactions entre le sol et le goût du raisin. Une démarche encore balbutiante à l’époque, en Italie.
Après quelques années d’observation minutieuse, il s’engage dans une première innovation majeure, avec le millésime 1971 : élaborer une cuvée parcellaire, issue du seul vignoble de Calvarino, ce « petit calvaire » nommé ainsi en référence au chemin tortueux et pentu qui y mène, mais aussi à la difficulté d’y travailler les sols et la vigne. A force de goûter les raisins, il a compris qu’ici, sur ces sols bruns d’origine volcanique, riches en basaltes, le raisin trouvait une identité bien spécifique, avec ses saveurs salées et épicées. A l’époque, la discrimination parcellaire n’existe pratiquement pas en Italie, la notion de terroir se cantonnant à la délimitation de vastes ensembles régionaux, comme pour les rouges de Barolo déjà prisés des amateurs avertis. Confrères et critiques ne croient pas beaucoup à cette idée « saugrenue ». Pourtant, les années (et le public) vont finalement donner raison à ce vigneron visionnaire, inscrivant progressivement ses Soave parcellaires au firmament des plus grands blancs du pays.
Pour réussir son pari, il veille bien sûr à pratiquer une viticulture au cordeau, uniquement sur des terroirs de coteau, en limitant strictement les rendements. A cette époque, les vignes sont largement descendues dans les plaines fertiles, bien moins qualitatives, pour produire en masse des blancs souvent insipides, destinés à une consommation immédiate, sur le mode « aussitôt bu, aussitôt oublié… ». Contre vents et marées, Leonildo veut faire parler le terroir, tout le terroir et rien que le terroir. Dans les années 2000, il s’engagera tout naturellement sur la voie d’une viticulture biologique et s’inspire également des principes biodynamiques lorsqu’il constate leurs effets bénéfiques sur la plante et sur la vie des sols.
Leonildo ne va pas s’arrêter en si bon chemin : à la fin des années 1970, il imagine une nouvelle cuvée, à partir du vignoble de La Rocca, acquis quelques années plutôt sur la colline de Monte Rochetta. C’est un terroir argilo-calcaire, dont il pressent qu’il saura donner au vin structure et profondeur. A condition bien sûr de contrôler les rendements et de savoir attendre l’optimum de maturité des baies. Alors que ses confrères ne jurent plus que par le chardonnay et le sauvignon au détriment des deux cépages endémiques emblématiques, garganega et trebbiano de Soave, Leonildo décide de prouver que l’on peut élaborer un grand vin de garde, riche et texturé, sans rien changer à l’encépagement traditionnel.
Alors que les blancs sont systématiquement vinifiés en cuves (inox souvent, ciment chez Pieropan), il décide d’opter, avec cette sélection parcellaire, pour des fermentations et un long élevage en foudres et grandes barriques. Nouvelle intuition géniale, nouvelle « révolution de palais » dans le monde feutré des grands noms du vin italien et nouvelle réussite éclatante ! Là encore, Leonildo aura su être patient, attendre une bonne dizaine de millésimes avant que son Soave la Rocca soit enfin reconnu à sa juste mesure, le temps de transcender les vieilles idées reçues et de changer des habitudes de consommation très ancrées.
Vous l’aurez compris, après avoir longtemps fait figure d’ovni dans un paysage viticole local centré sur la standardisation des goûts, la technologie et la surproduction, les blancs signés Pieropan sont devenus la locomotive pour toute une région. Longtemps moqués, certaines instances administratives ayant même tenté d'empêcher le domaine de revendiquer l’appellation, les vins de Pieropan sont adulés. Un juste retour des choses pour un homme qui n’a jamais baissé les bras, qui n’a jamais dévié de son chemin, attachant la plus grande importance à chaque détail, à la vigne comme à la cave. Un homme qui a su réconcilier comme rarement tradition et modernité, permanence et mouvement.
Après sa disparition, en 2018, ces fils, Andrea et Dario, tous deux agronomes et œnologues qui travaillaient à ses côtés depuis une quinzaine d’années, ont repris le flambeau avec la même détermination. Si le domaine a quitté ses bâtiments historiques du Palazzo Pullici, au cœur de la cité médiévale de Soave, jadis siège local de l’Inquisition, c’est pour s’installer au pied des emblématiques coteaux de Calvarino, dans un chai fonctionnel qui semble creusé directement sous l’impressionnante colline. Un lieu à l’image du Domaine, à la fois fondu dans le paysage, ancré dans son terroir, mais aussi doté de toute la technologie nécessaire pour élaborer le meilleur vin.
Quand on goûte les derniers millésimes de cette adresse emblématique, on se dit que le présent et l’avenir sont radieux. Des vins authentiques et habités, précis et magnifiquement équilibrés, des vins identitaires, imprégnés de leur terroir, dans toute ses nuances. Des vins de garde, qui évolueront parfaitement sur une dizaine d’années au moins. Et, surtout, de vrais vins de gastronomie, capables de vous accompagner tout au long d’un grand repas de fête. Nous avons encore un souvenir ému, chez l’un des meilleurs chefs italiens exerçant en France, Giovanni Pireddu (Il Tentazioni), d’un Soave La Rocca aussi à l’aise sur une gambero rosso laquée, lentilles corail et émulsion de jus de tête, que sur des tagliolini fraîches à la truffe blanche ou un bar de ligne aux girolles et sa sauce périgourdine.
C’est superbe, c’est abordable et c’est sur la Route des Blancs.
Parcellaire historique issu de sols bruns volcaniques, il offre un équilibre magistral entre une empreinte minérale verticale, élégante, aux accents subtilement fumés, la fraîcheur de la pomme Granny, des herbes fines et du caillou mouillé, et la gourmandise des fruits à noyau. En bouche, sa texture fuselée et finement épicée le porte loin.
Assemblage de garganega et trebbiano issus de coteaux aux sols volcaniques, ce délicieux Soave Classico n’a rien de classique : friand, riche et long en bouche, il nous régale de fruits jaunes, de melon, de papaye, d’orange ou de pomelo. On aime son ampleur de bouche, ces équilibres acidulés et épicés, qui le destinent à la table.
Un garganega des pentes argilo-calcaires du Monte Rochetta à l’aromatique sensuelle et expressive. Herbes macérées, amaro, sauge, camomille, chlorophylle, gentiane, graine de fenouil, poire ou abricot au sirop, chausson aux pommes, gelée de coing, safran, muscade, hydromel ou zeste de citron séché : embarquez pour un voyage unique.
On est séduit par la nature à la fois rafraîchissante, mûre et minérale de ce parcellaire emblématique. La palette des arômes est riche, passant de fleurs mellifères, aux fruits juteux, entre poire et pêche, sans oublier le zeste de citron et l’éclat de roche salin. Gourmandise, tension, énergie et vibration minérale : tout y est.
Assemblage de garganega et trebbiano de sols volcaniques, ce succulent Soave Classico nous régale par la douceur gourmande de son fruit, autour des fruits blancs, de la pêche et de l’abricot, mâtinés de notes tendres de fleurs du verger, d’herbes à tisane et de blé mûr. Juteux, tendu par des saveurs de citron et de pamplemousse, c'est un régal !
Fidèle à la tradition des vins doux passerillés, déjà prisés dans l’Antiquité romaine, les Pieropan élaborent ce superbe Colombare à partir d’une sélection de garganega très mûr, séché sur claies jusqu’au printemps suivant et élevé en foudres pendant au moins 3 ans. Un concentré de fruits suaves et d’épices douces, à la fraîcheur acidulée...