Nous sommes heureux de mettre le cap pour la première fois vers la pointe orientale du Centre-Loire, au cœur du pays Berrichon, chez un vigneron qui a su révéler comme personne avant lui les qualités et l’identité des terroirs de Quincy et Reuilly. Ce vigneron emblématique, c’est Guillaume Sorbe, du Domaine des Poëte. Première mise au point : ne voyez ici aucune fantaisie avec l’orthographe, même si Guillaume, incontestablement épris de liberté, ne manque jamais d’audace. Ces Poëte, au singulier, sont juste un hommage au nom de famille de son arrière-grand-mère, Esther Poëte, originaire du pays de Montbélliard, qui a épousé à la fin du 19ème siècle, un certain Auguste Sorbe…
Guillaume a aussi choisi ce nom pour éviter toute confusion avec le domaine de son père, Jean-Michel Sorbe, installé à Brinay et passé en 1999 dans le giron d’une importante famille de producteurs sancerrois. Après avoir démarré sa vie professionnelle comme cuisinier puis sommelier, dans une poignée de prestigieux établissements comme La Marée à Paris ou chez le chef étoilé Jacques Chibois à Grasse, l’appel de la terre pousse inexorablement Guillaume à revenir dans son pays natal, au début des années 2000. Passé par la fameuse « Viti-oeno » de Beaune, il jette son dévolu sur un bel ensemble de terres en friches, principalement situées sur la commune de Preuilly : c’est ici qu’il veut bâtir son domaine « éco-logique » comme il aime à le définir, en deux mots. Car, dès le départ, il souhaite intégrer la vigne dans un écosystème complet, abrité des monocultures intensives implantées dans la région, où sera parfaitement préservée une vraie diversité de flore et de faune.
Plus qu’un domaine viticole, c’est une véritable ferme qu’il entend bâtir et faire vivre. Sur 17 hectares environ, disséminés sur les zones d’appellation Quincy et Reuilly, Guillaume va dès lors s’employer à révéler l’identité de chaque terroir, mettant tout en oeuvre pour transcender l’expression variétale du sauvignon. Patiemment, il identifie les meilleures parcelles qu’il devra souvent défricher et dépierrer, avant d’y planter des sélections massales qualitatives et peu productives de sauvignon surtout, complété de pinot gris et de pinot noir.
Quasi-exclusivement argilo-calcaires, la structure des sols offre ici de nombreuses nuances, selon les coteaux, tantôt plus riches en marnes et en argiles, comme sur le finage de Reuilly où il produit son emblématique Cuvée Orphée, tantôt plus sableux voire graveleux, comme sur la croupe qu’il exploite entre les villages de Quincy et Brinay, d’où il tire une autre cuvée phare de la gamme, Argos. Le cœur battant du Domaine, et peut-être le terroir préféré de Guillaume, occupe, quant à lui, le petit cirque du coteau de Chéry, avec sa forte pente et son exposition au Sud.
Disséminées sur pas moins de 28 îlots qu’il vinifie séparément, les vignes n’occupent pourtant qu’un peu plus de 6 hectares sur les 17 que compte la propriété. Il y a aussi des vergers, des prairies pour nourrir chevaux et moutons, un poulailler, des ruches pour favoriser la pollinisation. Guillaume poursuit un idéal d’autonomie de sa production et de neutralité carbone. Dans un cycle vertueux, les déchets végétaux nourrissent les animaux de la ferme, tandis que cette même faune produit les amendements organiques qui vont enrichir les sols et mieux nourrir la plante. Idem pour les tisanes de plantes, dynamisantes ou apaisantes, qu’il applique sur ses vignes, s’inspirant de pratiques biodynamiques : ortie, prêle ou achillée-millefeuille, tout est cultivé sur place. Comme dit l’adage attribué à Lavoisier, ici « rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme ».
Parfaitement conscient que c’est à la vigne que naît un grand vin, il prend conseil auprès des meilleurs experts pour adopter les meilleurs pratiques de taille et de conduite de ses vignes, parcelle par parcelle, cépage par cépage. On citera par exemple le célèbre ingénieur-agronome sancerrois, François Dal, spécialiste de la taille et de son influence sur le développement de certaines maladies, auprès duquel Guillaume confesse avoir beaucoup appris. Ici, point d’écimage et très peu de rognage, afin de préserver au maximum les flux de sève et la photosynthèse de la vigne.
C’est probablement la devise qui figure sur ces bouteilles, à côté du désormais fameux mouton, emblème du Berry, qui résume le mieux la philosophie exigeante qui guide le travail de Guillaume Sorbe : « Moins mais mieux ». Soit la qualité plutôt que la quantité. Ici, on ne cherche pas à produire un rendement mais plutôt à révéler l’expression d’un lieu, d’un terroir. On cultive plus petit pour voir plus grand ! Un pari largement réussi tant les vins signés Guillaume Sorbe se sont rapidement imposés comme les meilleurs ambassadeurs des terroirs de Reuilly et Quincy jusque-là un peu oubliés sur la route des grands blancs ligériens, au profit de Sancerre ou Menetou-Salon.
Pourtant, tout ne fut pas facile pour lui : esprit libre, franc-tireur et doté d’un caractère bien trempé, sa vision singulière d’un grand vin de lieu ne fut pas toujours bien comprise par ses pairs, davantage habitués à produire en masse et à bas coût un sauvignon variétal n’ayant d’autre vocation que d’étancher la soif des glouglouteurs de terrasses de café, de France et d’ailleurs. Les avanies furent légion, jusqu’au retrait des vins de Guillaume des appellations Reuilly et Quincy, car jugés « trop éloignés des standards en vigueur ». Ça laisse rêveur.
A la cave, Guillaume ne fait pas non plus tout à fait comme les autres : peu interventionniste, il privilégie des élevages sur lies fines très longs, sans ajout de soufre, suivis d’un temps d’affinage en bouteille que peu de vignerons se permettent, même dans les appellations les plus prestigieuses. C’est ainsi qu’il proposait ces parcellaires 2018 début 2023, quand nombre de ses collègues avaient pratiquement fini de commercialiser leur millésime 2022. Ce temps long permet aux vins de gagner en profondeur, en complexité d’arômes et de texture. Guillaume sait aussi que les grands sauvignons de terroir ont besoin de temps pour se minéraliser, pour que l’expression du lieu s’impose sur l’identité variétale.
Désormais Vins de France, les blancs du Domaine Les Poëte transcendent leurs origines et comptent aujourd’hui parmi les expressions les plus identitaires et abouties du sauvignon ligérien. Du simple Touraine Le S des Poëte, croquant et plein de vie, première cuvée qu’il a vinifié en s’associant avec un ami vigneron du côté de Châteauvieux, aux emblématiques cuvées Argos ou Orphée, à la profondeur incomparable dans la région, les vins signés Guillaume Sorbe sont incontournables et occupent une place de choix dans les livres de cave de nombreuses tables étoilées.
Nous vous invitons à embarquer pour un magnifique voyage sensoriel entre les millésimes 2016 et 2022 ! C’est singulier, c’est majeur et c’est maintenant, sur la Route des Blancs.
Convaincus du potentiel de garde des formidables Quincy et Reuilly parcellaires signés Guillaume Sorbe, nous avions décidé de conserver dans nos chais quelques précieux flacons de ce millésime 2016 qui nous avait tant impressionnés. Voici les emblématiques Reuilly Orphée et Quincy Argos, deux pépites sur un millésime introuvable.
Ce Pouilly-Fumé de terres blanches est construit sur un équilibre parfait entre volupté et fermeté. D’un côté, la chair onctueuse et les parfums gourmands des fruits estivaux, baignés d’une touche florale, de l’autre l’énergie et la fraîcheur du pamplemousse, du citron yuzu, des herbes fines et d’une trame minérale pénétrante, fumée. Superbe réussite.
Vigneron enthousiaste et haut en couleur, Guillaume a imaginé ce sauvignon de Touraine à son image : gourmand, énergique et sans concession. De longs élevages sur lies donnent un vin d’une belle profondeur, tout en chair et en minéralité contenue. Un vin plus complexe qu’il n’y paraît qui sait aussi se montrer printanier et rafraîchissant. Un délice.
Deuxième millésime pour ce superbe Pouilly-Fumé de terres blanches. Un vin de lieu, qui s’est minéralisé au fil des années, pour mieux imbriquer l’expression énergique et épicée du sol avec un fruit rayonnant. Fruits blancs et agrumes s’associent à la douceur du jasmin et à l’énergie de la réglisse, du gingembre et du poivre blanc. Un régal.
Orphée assemble les raisins du coteau argilo-calcaire de Chéry avec ceux de Reuilly, aux sols plus riches en marnes, en graves alluvionnaires et sables rouges. Un vin d’éclat, de profondeur, à la fois texturé et incroyablement dynamique. L’effet millésime, mûr et gourmand, s’équilibre avec l’énergie tellurique et épicée venue des sols. Superbe
Autre cuvée emblématique, issu des terroirs de Quincy et Brinay, aux sols complexes mêlant argiles limoneuses, sables et graves alluvionnaires, Argos rivalise avec les plus belles expressions sancerroises. On aime son bouquet floral intense, sa bouche savoureuse, précise et profonde, qui s’étire sur une trame minérale épicée. Grand vin de gastronomie.
Issue d’un vignoble à Châteauvieux, dans le Loir-et-Cher, cette cuvée de gourmandise croquante et d’énergie fruitée est née dès la fin des années 2000. Un sauvignon juteux, ciselé, aux parfums jaillissants de citron confit, de pamplemousse, d’aubépine et de buis, mâtinés d’un voile calcaire et de notes chlorophylliennes et poivrées. Une ode à la joie...