A la suite de quelques glorieux aînés, comme le regretté Christian Imbert, Antoine Arena ou Jean-Charles Abbatucci, qui ont redéfini les standards de la viticulture corse pour mieux faire rayonner leurs vins bien au-delà des rivages de leur île, Manu Venturi fait partie de cette nouvelle génération de vignerons insulaires (on citera également son ami Gérard Courrèges) qui pousse encore plus loin la quête du grand vin identitaire. Il signe de prodigieux vins de lieu, capables par leur singularité, leur profondeur et leur complexité, de rivaliser avec les meilleurs flacons bourguignons, rhodaniens ou italiens.
La famille Venturi, installée depuis plusieurs générations dans le village d’altitude de Ponte Leccia, est bien connue dans le petit monde des grands vins corses. Elle exploite, depuis le début des années 1980, le Domaine Vico, propriété historique fondée par Jean Vico, dont les premiers millésimes remontent au tout début du 20ème siècle. L’histoire de ces véritables îlots de vignes, entourés de hautes montagnes culminant à 2000 mètres et plus, dans un paysage d’une beauté à couper le souffle, remonte à la fin du 19ème siècle. Lorsque quatre familles décident ensemble de replanter le vignoble du centre de l’île, disparu avec la crise phylloxérique.
Nous nous situons à la rencontre des axes reliant Calvi, Bastia et Ajaccio. Dans une sorte de cuvette que les géographes qualifient de « dépression centrale » de la Corse. De ces phénomènes telluriques, alternant pressions et dépressions, est né un véritable chaos géologique qui fait toute la richesse et la singularité du lieu. Schistes du Cap Corse, granits cristallins, basaltes volcaniques, rhyolites, grés, calcaires ou galets roulés : ici toutes les veines se mélangent. Les géologues parlent d’une structure « en écailles ». Ce foisonnement géo-pédologique que l’on ne retrouve nulle part ailleurs sur l’île a structuré la vision de Manu Venturi, qui a tôt compris l’intérêt d’aller très loin dans la discrimination parcellaire.
Autre particularité du lieu, l’absence d’influences maritimes. Celles-ci sont arrêtées par les barrières montagneuses qui entourent le site. Plutôt continental, le climat est marqué par de fortes amplitudes thermiques entre jour et nuit, et des influences montagnardes rendant les hivers assez rudes. Un climat particulier qui participe de l’identité unique des vins du Clos Venturi.
Le père de Manu Venturi, Jean-Marc, œnologue de formation, s’est longtemps consacré à la vinification pour la cave coopérative avant de reprendre progressivement le Domaine Vico, à partir du début des années 1980 : cette très grosse propriété de près de 300 hectares dont près d’un tiers était jadis occupé par la vigne avant de tomber progressivement en déshérence. Fin connaisseur des terroirs de Ponte Leccia, il en savait l’énorme potentiel. Il va alors s’atteler, pendant près de 30 ans, à restructurer et à redonner vie à ce vignoble, disséminé autour de trois grands îlots. Au départ, Manu n’est pas de la partie : lui qui est né et a grandi dans les vignes, lui qui a vu les efforts colossaux et les sacrifices que la refondation du Domaine Vico ont demandé à son père, rêve d’une autre vie. Il fait d’abord des études supérieures de droit puis de gestion environnementale. On ne se refait pas : il est déjà très sensible à la beauté de la nature qui l’entoure, aux dangers qui la menacent et à la nécessité absolue de la préserver.
Au mitan des années 2000, c’est assez naturellement qu’il revient vers le domaine et son formidable écosystème où le maquis occupe l’essentiel de la surface de la propriété familiale. Ici, immortelles, fenouil sauvage, myrte ou nepita ont colonisé les lieux, en toute liberté, parfumant l’atmosphère et les raisins : tout autant que la vigne, elles donnent l’esprit des lieux. Entre 2005 et 2010, une transition très douce s’organise entre le père et le fils. Si Jean-Marc avait déjà en tête que chaque îlot de vignes avait sa propre identité, sa culture de l’assemblage prenait souvent le dessus au moment des vinifications. A sa suite, Manu Venturi décide alors d’aller beaucoup plus loin dans la discrimination parcellaire et de penser cette propriété unique comme une véritable matrice où se croisent tous les types de sols, d’exposition et pas moins de 19 cépages : un véritable conservatoire ampélographique à elle seule !
La première décision qu’ils prennent ensemble, c’est d’isoler ce qui va devenir, dès 2005, le Clos Venturi. Un vignoble exceptionnel, de plus de 20 hectares d’un seul tenant, occupant les coteaux d’une colline qui se dresse fièrement au milieu d’une véritable ferme écologique. Car ici, on pense écosystème avant de penser vigne, on pense harmonie avant de penser rendement. Ici, on pense avant tout aux équilibres du vivant, aux liens visibles ou invisibles qui se tissent entre les espèces, entre la faune et la flore, entre l’homme et la vigne. Lorsque l’on pénètre dans le Clos Venturi, ce sont les poules et les brebis qui nous accueillent, pendant que les chevaux, utilisés pour le travail très précautionneux des sols, se reposent à l’ombre de quelques arbres au bas de la colline. De-ci, de-là, cachées derrières des bosquets buissonnants, on aperçoit des ruches, tout aussi essentielles dans la préservation de cet écosystème plein de vie.
Quant aux vignes, elles occupent de fines bandes organisées en îlots, souvent cultivés en terrasses, sur tous les versants de la colline, jusqu’à son sommet. Dans chaque îlot, vinifié séparément, la complantation est de mise : on compte ici un grand nombre de cépages, essentiellement issus de variétés autochtones. Pour les blancs, à côté de l’inévitable vermentinu, on trouve majoritairement genovese et biancu gentile, mais aussi du rimenese ou du carcaghjolu biancu. Les sols, aux origines multiples, sont plutôt friables voire sableux dans leur structure. Ici, par le truchement d’accidents tectoniques, les sols les plus jeunes sont parfois passés au-dessous des sols les plus vieux, magmatiques ou cristallins. Si l’on ajoute à cette mosaïque géo-pédologique la diversité des expositions, les altitudes différenciées, alors on comprend tout l’intérêt de vinifier séparément chaque îlot. Manu voit ces parcelles comme des individualités, dont il va chercher à comprendre la personnalité propre pour mieux la révéler dans chaque cuvée.
Tout naturellement, ce passionné de biodiversité, a rapidement adopté les principes de la biodynamie qu’il a testée dès 2007, avant de la généraliser progressivement, jusqu’à la certification à la fin des années 2010. Chez lui point de dogme, mais un questionnement permanent sur les interactions entre le monde souterrain, le monde aérien et le monde astral, entre le minéral et le vivant. Le tout couplé à un sens de l’observation qui l’accompagne au quotidien, dans toutes ses actions. Toujours prendre le temps d’observer, de prendre du recul, d’évaluer le résultat de ses actions. Vous l’aurez compris, au Clos Venturi, il n’y a pas de recette : il y a juste une construction patiente, faite de milliers de petits détails, jusqu’à ce que l’on trouve le point d’équilibre et d’harmonie. Manu et ses équipes font leurs propres thés de compost, leurs propres préparations de tisanes apaisantes ou dynamisantes, à base d’immortelle, d’ortie ou de presle… Il expérimente aussi l’usage du soufre d’origine minérale, soucieux d’utiliser exclusivement des ressources naturelles et non transformées par une quelconque industrie.
A la cave, Manu fait preuve du même sens du détail. Recherche sur les contenants, entre l’inox, le bois, le ciment, le grès ou le verre, travail sur la compréhension de l’action des levures indigènes, parcelle par parcelle. Ici, technologie de pointe et respect des traditions vont de pair, du moment que les deux sont au service de la vérité du fruit et du terroir. Curieux de tout, ouvert sur les autres, Manu puise aussi son inspiration au cours de ses voyages dans les vignobles : il goûte énormément, il échange avec les confrères, toujours à l’affût d’une approche qui pourrait le faire avancer dans sa compréhension de ses propres terroirs, dans la construction de son goût, de ses référentiels. La Bourgogne l’a beaucoup marqué, tout comme les grands vignobles italiens, entre autres.
Mais gardons un peu de mystère sur ce qui fait la magie des grandes cuvées du Clos Venturi. Car c’est bien de grands vins dont on parle, des vins d’envergure, de profondeur et d’énergie, des vins qui racontent un lieu et une histoire, des vins vivants et habités, qui ne ressemblent à aucun autre. En outre, les blancs signés Venturi possèdent une capacité de garde exceptionnelle : Le Clos 2007 ou le Chiesa Nera 2013 que nous avons partagés au printemps dernier avec Manu affichaient une fraîcheur et une énergie parfaitement bluffantes.
Pour cette vente privée exceptionnelle, Manu Venturi nous ouvre sa cave pour nous permettre de voyager dans le temps, entre 2018 et 2022, et d’apprécier à leur juste valeur et à différents stades de leur évolution, l’extraordinaire complexité de ses cuvées parcellaires, qu’il s’agisse du Clos bien sûr, mais aussi des rares Altare ou Chiesa Nera que la Revue du Vin de France n’hésite pas à comparer à « un grand cru de Bourgogne » pour l’une, aux plus grands blancs de la colline d’Hermitage, pour l’autre. Sans parler d’une introuvable pépite, un envoûtant Vinu Santu vieilli en dame-jeanne sous le soleil de Ponte Leccia…
C’est rare, c’est maintenant et c’est uniquement sur la Route des Blancs.
Cette cuvée IP (pour élevage prolongé) est un vermentinu d'émotion à l’intensité tellurique impressionnante. Les 24 mois sur lies ont permis de patiner la fougue d’un jus expressif pour mieux laisser s’exprimer profondeur et vibration minérale. Un joyau du maquis, cristallin, entre herbes sauvages, agrumes, miel et poussière de roche.
Comparé par la RVF à « un grand cru bourguignon », ce parcellaire assemblant 5 cépages en surprendra plus d’un par son incroyable profondeur, sa complexité aromatique et la perfection de ses équilibres. Un grand vin de lieu, généreux, fuselé et épicé, qui vous régalera sur un veau à la sauge, un vitello tonnato ou un loup au fenouil.
Avec son empreinte minérale aux accents fumés et terpéniques, la sensualité gourmande de son cœur de fruits jaunes et de mangue, ses notes végétales rappelant romarin, fenouil et sauge, mais aussi cette énergie interne que les saveurs d’écorce d’agrumes soulignent parfaitement, il vous sera bien difficile de le situer à l’aveugle. Grand.
Ce joyau introuvable, issu de vermentinu et muscat à petit grain passerillés, élevés en dame-jeanne, sous le soleil de Ponte-Leccia, nous invite à nous perdre dans des contrées lointaines, entre marchés aux épices et jardins luxuriants. Un elixir de jouvence, singulier et irrésistible, qui traversera les décennies avec panache. On adore.
Ce pur vermentinu est issu d’une sélection de vignes sur la partie basse de la colline, dans ce véritable écosystème où vigne et maquis dialoguent sans cesse. On aime son aromatique expressive et tonique entre fruits blancs acidulés, fruit de la passion, fleurs blanches, badiane, immortelle, verveine et agrumes. Quel charme !
Complantation de 5 cépages autochtones tout en haut du coteau, ce parcellaire à l’aromatique complexe et l’équilibre souverain se déploie en majesté, autour d’un cœur de fruits jaunes, de notes miellées, relevés d’agrumes confits et d’épices, entre sauge, poivre vert et cardamome. On aime sa trame minérale, tendue et serrée. Unique.
Cette Chiesa Nera 2019 offre une complexité, une envergure et une persistance à faire pâlir d’envie les plus grands blancs rhodaniens, comme ceux de la colline de l’Hermitage. Si vous ne connaissez pas encore ce vin, ce sera une révélation. Pour les autres, la confirmation de tenir là un des plus grands blancs de Méditerranée.
Ce parcellaire, à la complexité aromatique indépassable, nous embarque dans un tourbillon de parfums sensuels et stimulants. On balance entre la gourmandise des fruits jaunes gorgés de soleil, les confitures encore tièdes, des épices douces et réconfortantes et une fraîcheur omniprésente, une extraordinaire vitalité aux accents d’agrumes et...